La logistique urbaine : un sujet de préoccupation au Maroc
La logistique urbaine fait partie intégrante des politiques publiques de nombreuses grandes métropoles européennes depuis plusieurs années.
Au Maroc, le sujet est relativement récent. En 2020, l’Agence Marocaine pour le Développement de la Logistique (AMDL) a édité un remarquable document, le guide national de la logistique urbaine. Ce guide très complet, mais qui reste à l’état théorique, permet d’initier une démarche et de mettre l’accent sur ce sujet, encore trop méconnu au Maroc.
En 2023, le Plan de Mobilité Urbaine Durable de la conurbation de Rabat-Salé-Skhirat-Témara, à l’initiative de Rabat Région Mobilité, a intégré un volet logistique urbaine dans son document de planification des mobilités. C’est certainement la première fois au Maroc qu’une Autorité Organisatrice des Mobilités intègre la logistique urbaine dans sa feuille de route.
Le 7 mai 2024, le congrès Logismed à Casablanca a intégré dans son programme une table-ronde sur la logistique urbaine. Animée par Jérôme Libeskind, expert en logistique urbaine et directeur du bureau d’études Logicités, cette table-ronde réunissait M. Anas Arhbal, Directeur Supply Chain de Centrale Danone, M. Olivier Pillon, Directeur Exécutif chargé de la Supply Chain du groupe Marjane, Mme Nadia Laraki, Directrice Générale de l’Agence Nationale des Ports et M. Jean-Michel Genestier, délégué à la logistique métropolitaine à la Métropole du Grand Paris.
Quelles sont les spécificités de la logistique urbaine au Maroc et quels en sont les enjeux ?
Le Maroc est devenu un pays majoritairement urbain, avec le développement très rapide de grandes agglomérations telles que le Grand Casablanca, Rabat-Salé-Témara, Tanger, Marrakech, Agadir, Fès, Kénitra ou Meknès, pour ne citer que les principales d’entre elles. Ce tissu urbain dense est toutefois marqué par une grande diversité de quartiers. Les quartiers modernes côtoient des secteurs intermédiaires ou populaires, avec la spécificité des médinas, qui sont caractérisées par un réseau viaire très dense mais étroit.
Cette densité urbaine est caractérisée par un maillage commercial particulièrement dense. Le commerce moderne ne représente que 15 à 20 % du potentiel commercial du pays. Lors de la conférence du 7 mai, Danone indiquait distribuer ses produits dans pas moins de 75 000 commerces, montrant ainsi l’immensité du défi du dernier kilomètre.
Une autre caractéristique du Maroc est le poids insuffisant des transporteurs et logisticiens. Les entreprises marocaines, grossistes, distributeurs ou même industriels, ont souvent leur propre flotte de véhicules et distribuent directement leurs produits, multipliant ainsi les flux de livraison. Chaque petite épicerie est livrée par une multiplicité de fournisseurs et de véhicules.
Pour de nombreuses raisons liées aux charges transportées, aux difficultés de stationnement ou au mode de paiement, les livraisons sont assez peu efficientes, générant un temps important et une multiplicité de véhicules et de manutentions.
Ce mode de fonctionnement insuffisamment optimisé a tendance à changer, au travers de certaines pratiques de mutualisation des flux. La part du compte d’autrui (les transporteurs), qui regroupent les flux de différents chargeurs, a tendance à augmenter. Certains chargeurs, comme Danone, qui ont leur propre organisation de livraison, commencent à la mettre à disposition d’autres entreprises. La distribution moderne, à l’instar de Marjane, met en place des organisation supply chain centralisées, limitant le nombre de véhicules. Pour les livraisons e-commerce, les réseaux de points relais et consignes se développent rapidement. Toutes ces pratiques de consolidation des flux témoignent d’une réelle prise de conscience des acteurs de la chaîne logistique urbaine afin d’optimiser les flux et d’en réduire les impacts.
Les enjeux sont très bien identifiés et les acteurs en ont conscience : impact environnemental des véhicules de livraison (émissions de polluants locaux et de gaz à effet de serre), impact économique pour les entreprises, respect de la chaîne du froid, sécurité … Ce sont là quelques-uns des défis auxquels les acteurs de la livraison sont confrontés.
Les acteurs publics marocains agissent dans le cadre d’une Stratégie Nationale de Développement Durable 2030 et d’une Stratégie Nationale du développement de la compétitivité logistique. La mise en place, au niveau des territoires, de plans d’action de logistique urbaine s’articule alors avec ces documents stratégiques nationaux.
Les autorités marocaines pourront donc définir un portage au plan national afin de garantir une méthodologie homogène, mais aussi le niveau de gouvernance local de ces travaux de diagnostic territorial et de plan d’action, comme l’a récemment fait l’agglomération de Rabat-Salé.
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