Le bilan de l’année logistique 2015 : les 5 bonnes et les 5 mauvaises nouvelles
Comme chaque année, cette période est celle du bilan et, pour ce qui concerne ce blog, des évènements logistiques qui ont marqué 2015. Se limiter à 5 est un exercice compliqué, qui a amené à mettre de côté l’arrêt de l’écotaxe, la transition énergétique, la Conférence Nationale Logistique ou la COP 21.
Les 5 bonnes nouvelles de 2015
- L’émergence de la livraison collaborative
En 2015, une nouvelle forme de livraison est apparue en France, la livraison collaborative ou le crowdshipping. Un pan entier de l’économie collaborative apparait au travers de la livraison de colis, repas, encombrants, achats de proximité par une communauté de particuliers. Avec une segmentation constituée de l’international aérien ou route, de l’interurbain, et du dernier kilomètre local, le crowdshipping voit émerger dans le monde entier des dizaines voire des centaines de start-ups. En France, nous voyons arriver Drivoo, Stuart, Du Pouce au Bras, Cocolis, DacOpack, Tousfacteurs et de nombreux autres intervenants. La Poste vient d’investir des sommes importantes dans une de ces start-ups. Les avantages sont énormes. D’abord environnementaux en utilisant des trajets existants et supprimant donc directement des camions. Ils sont aussi sociaux et économiques.
- Le déploiement des réseaux de consignes
2015 a vu émerger en France 2 réseaux de consignes, celui d’InPost, sous le nom d’Abricolis et celui de Geopost, sous le nom de Pickup Station. Mais 2015, c’est aussi l’année de la première consigne Amazon, ouverte dans le centre commercial SoWest de Levallois. Les consignes constituent une des solutions les plus pertinentes pour la réception des colis B to C. Ouvertes 24h/24, 7j/7, si ces consignes sont positionnées à l’extérieur, elles permettent aux e-consommateurs de récupérer leurs colis quand ils le souhaitent. Solution de massification des livraisons, la consigne permet aussi de réduire l’impact environnemental de la livraison de colis B to C. Reste à convaincre les municipalités, qui doivent maintenant considérer les consignes comme du mobilier urbain.
- La mutualisation des espaces logistiques urbains est née
Depuis des années, les spécialistes de la logistique urbaine imaginent la mutualisation des espaces afin de réduire le surcoût immobilier de la logistique urbaine. Cette idée restait pourtant à l’état de concept … jusqu’en 2015. En effet, en 2015, deux réalisations lyonnaises consistent à mettre en œuvre le concept de mutualisation. Tout d’abord l’espace logistique urbain (ELU) des Cordeliers, qui a permis à deux entreprises gérant des flux à des horaires complémentaires, Ooshop et Deret, de mutualiser les espaces mais aussi une navette entre les sites d’origine et l’ELU. Cet espace a reçu le grand prix de l’innovation logistique durable de Stratégies Logistique. Le second exemple est celui de La Poste, qui a mutualisé certaines activités internes à son groupe dans l’espace logistique urbain de Lyon Centre et va partager certains espaces avec City Logistics.
- Les CDU se développent
Le concept de CDU est ancien, mis en œuvre depuis longtemps à Monaco et La Rochelle. Le développement du concept à travers le territoire est toutefois plus récent, avec en 2015 les ouvertures des CDU d’Annecy, d’Aix-en-Provence (confié à Vert Chez Vous) et de Bayonne (confié aux Transports Lataste). Le CMDU de Lille a pour sa part choisi son opérateur (filiale commune Veolia et Rave). A Lyon, c’est la société indépendante City Logistics qui a mis en œuvre en 2015 ce concept de regroupement des flux et de distribution en véhicules propres dans le centre de l’agglomération.
Toutefois, le modèle économique du CDU est soumis à de très fortes contraintes, notamment une volonté affichée et effective des villes de limiter les livraisons de centre-ville à des véhicules propres. Sans réglementation stricte, le modèle de CDU est voué à l’échec.
- La logistique urbaine devient un sujet grand public.
Présente à la télévision, la radio, dans de très nombreux supports, la logistique urbaine sort pour la première fois des cercles de spécialistes pour devenir un sujet intéressant les citoyens. Ce blog, qui a partagé plus de 160 articles, y participe, tout comme les nombreux ouvrages, donc celui de Jérôme Libeskind « La logistique urbaine – les nouveaux modes de consommation et de livraison » Editions Fyp.
En devenant un sujet grand public, la logistique urbaine change de dimension. La livraison e-commerce est maintenant clairement admise comme une des composantes de la logistique urbaine. Le public est directement concerné et trouvera lui-même, par le mode de consommation, mais aussi la livraison collaborative, certaines des solutions qui permettront de rendre le consommateur acteur et non plus seulement spectateur des conséquences de la livraison.
Les 5 mauvaises nouvelles de 2015 :
- La baisse du prix du gazole
Le gazole n’a jamais été aussi bon marché. En dessous de 1 € le litre, toutes les tentatives de transition énergétiques sont vouées à l’échec. Entre 2012 et 2015, le prix du gazole est passé de 1,16 € à 0,96 € (source CNR). Le très bas prix du diesel rend difficile pour une entreprise un choix de véhicule plus cher à l’achat et parfois à l’usage. L’Etat en est conscient en imaginant un lissage très (et probablement trop) progressif entre l’essence et le gazole. Mais la baisse des prix ne compense même pas l’ajustement fiscal…
- La liquidation de la société Muses : la transition énergétique tarde à se mettre en œuvre
La société Muses était un des très rares fabricants français de véhicules de livraison électriques. Son véhicule Mooville faisait l’objet d’un partenariat industriel avec Faurecia. Muses a commercialisé son véhicule à de nombreuses entreprises : la Semmaris, Ooshop, La Poste, Chronopost, DHL, pour ne citer que quelques-uns de ses clients qui se sont montrés très satisfaits du véhicule. Le marché du véhicule de livraison urbain électrique reste un marché étroit et émergent. Malgré la loi sur la transition énergétique, les changements de comportement et l’évolution de la réglementation sont lents. La société Muses, pour faire face à sa croissance, avait impérativement besoin de trouver un partenaire industriel et financier prêt à investir dans l’entreprise. Aucun constructeur français ou européen ne s’est montré intéressé. La société, malgré la pertinence totale de son produit et de son marché, a été mise en liquidation.
- L’arrêt du projet d’autoroute ferroviaire Atlantique
Le projet visait à transférer 85 000 camions par an de la route vers le rail, entre le Pas-de-Calais (Dourges) et les Landes (Tarnos). A l’instar de l’autoroute ferroviaire Luxembourg – Perpignan, cet axe avait pour objectif de permettre la transition énergétique en transportant les charges sur un axe ferroviaire. Il a été abandonné pour des raisons exclusivement économiques. Mais le calcul économique ne tient pas compte du coût environnemental de l’utilisation de la route par ces 85 000 véhicules. Imaginer la transition énergétique en ne prenant en compte que les aspects financiers est une erreur. Il s’agit de choix d’investissement sur le long terme, qui doivent intégrer le coût environnemental. Si le seul choix économique avait été pris en compte, de nombreuses infrastructures, à commencer par le tunnel sous la Manche, n’auraient jamais été construites.
- La décision de reprise des travaux de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes
A l’heure de la transition énergétique, construire un nouvel aéroport à seulement 1h50 de TGV de Paris est une erreur. Il n’attirera jamais les compagnies régulières, à coût et fréquence suffisante, pour répondre aux besoins des habitants. Les seules compagnies qui y trouveront un intérêt seront les compagnies low cost. Cet aéroport sera donc nécessairement un aéroport subventionné. Les habitants de Nantes et Rennes, qui ne sera bientôt qu’à 1h37 de TGV de Paris, continueront logiquement, sur des longs courriers, à prendre leur avion à Roissy CDG. La France est un des pays les plus denses au monde en aéroports. Mais combien d’entre eux sont rentables ? Une métropole moderne au 21ème siècle est-elle encore une ville dont le symbole est son aéroport ? Ceci est loin d’être certain.
- La disparition de Mory
L’année 2015 a été marquée par la disparition de Mory. Fondé en 1804 par Nicolas Toussaint Mory, cette société était devenue un des tous premiers groupes français de transport et de logistique avec, dans les années 1980, un effectif de plus de 9000 personnes. Ce groupe a été mis en liquidation le 31 mars 2015. Qui en est responsable ? Probablement tout simplement l’évolution du marché que Mory n’a pas su accompagner. En se concentrant sur son métier généraliste de base, la messagerie, Mory n’a pas compris que le monde du transport évoluait vers un métier de spécialistes. Spécialiste en colis de moins de 30 kg, spécialiste de B to C, spécialiste en produits volumineux, spécialiste en textile, en pharmacie … Mory n’a pas compris que la ville évoluait et qu’on ne distribue plus les villes au 21ème siècle comme au siècle passé. Mory n’a pas compris que la consommation évoluait : plus vite, plus propre, moins cher… Mory s’est envolé.
Comme attendu, article pertinent et intéressant, merci Jérôme ! “La Poste vient d’investir des sommes importantes dans une de ces start-ups.” : peut-on déjà dévoiler laquelle si connue ?
Merci David,
oui bien sûr, Stuart
Merci pour cette contribution. Piggybee a en effet effectué un très gros travail. Colis Voiturage avait en effet commencé très tôt. Vous avez raison de le signaler !