Pendant des décennies, une des actions de la politique d’aménagement du territoire a été de rechercher de nouvelles activités afin de réoccuper les friches industrielles. Des milliers d’usines ont fermé dans les années 1980-1990 et au-delà, conséquence logique de la mondialisation et de la délocalisation industrielle.
Le nouveau chantier que devront prendre en main l’Etat et les collectivités locales dans les prochaines décennies sera celui des friches commerciales. Comment réutiliser les centaines et milliers de boîtes commerciales situées en périphérie des agglomérations, qui vont progressivement se libérer, sans trouver de repreneur rapidement et facilement ?
Il est souvent, à juste titre, question de la vacance commerciale en centre-ville, notamment dans les villes petites et moyennes. Ce sujet, dont les origines sont multiples, est lié au mode d’habitat, au positionnement des services publics, mais aussi aux évolutions du mode de vie et de la consommation.
L’évolution des zones commerciales périphériques, souvent décriées pour leur manque d’attractivité visuelle (la France moche…), risque de devenir un nouveau sujet important, ceci pour plusieurs raisons.
- Tout d’abord, il a été accordé pendant 20 ans trop d’autorisation de constructions de surfaces commerciales. Entre 2000 et 2016, les surfaces commerciales en France ont augmenté de 3% par an alors que le PIB ne s’est accru annuellement que de 1,3%. Il y a donc naturellement une suroffre.
- Le second sujet est la digitalisation de nombreux métiers. A quoi servent encore un magasin de location de cassettes vidéo, une agence de voyage, un bureau d’assurances, une agence bancaire et peut-être (malheureusement pour les amateurs dont je fais partie) une librairie, un marchand de journaux ou même un disquaire ? Ces métiers continuent d’exister mais de façon digitale. Le point de vente physique perd de son utilité.
- Le troisième facteur est la croissance du e-commerce. Avec 9% de la consommation, c’est une partie du commerce physique qui disparaît, au profit d’autres modèles de consommation.
L’e-commerce annonce la troisième révolution commerciale, après celle des grands magasins au 19ème siècle et celle des hypermarchés et centres commerciaux dans les années 1960. Les exemples d’enseignes qui font face à des difficultés, n’ayant pas su gérer cette révolution commerciale, sont nombreux : La Grande Récré, Conforama, Gap, Tati, Marks & Spencer ou C&A pour ne citer que quelques exemples récents.
Les grands groupes de distribution du secteur alimentaire font aussi face à des difficultés : Auchan, Carrefour ou Casino se posent tous des questions fondamentales sur les modèles commerciaux de demain.
Le modèle de l’hypermarché est d’ailleurs au cœur des préoccupations et les derniers modèles annoncent des changements majeurs. Les dernières transformations d’hypermarché réalisées par Carrefour sont emblématiques.
Le nouveau concept d’hypermarché Carrefour, développé à Dijon Toison d’Or, est un exemple de cette transformation. Rayon de produits bio, produits en vrac, produits régionaux, kiosques de restauration thématiques … rien de manque pour coller aux tendances actuelles de la consommation et retrouver une attractivité commerciale.
Mais sur le plan immobilier, tout change aussi. Ce nouveau concept est plus petit d’environ 20%. Ce sont 2000 m² de surface commerciale en moins. Le P-DG de l’enseigne, Alexandre Bompart, annonçait d’ailleurs que, sur l’ensemble du territoire, ce seront 100 000 m² qui seront restitués. Cette diminution, moins problématique que ce que rencontrent certains enseignes qui ferment des points de vente, concerne essentiellement le non alimentaire, proposé sur internet.
Ces exemples montrent que nous ne sommes qu’au début d’un cycle qui transformera en profondeur le paysage commercial français. L’Etat et les collectivités locales, qui ont pendant des décennies, autorisé voire favorisé la construction de surfaces nouvelles devront prendre leur part de responsabilité dans cette restructuration du paysage périurbain, qui concernera la plupart des agglomérations.
Loin des illusions, cette transformation du paysage urbain permettra d’apporter des réponses à l’évolution de l’habitat et de la mobilité.
Ces surfaces deviendront alors des opportunités pour de nouvelles activités, notamment logistiques, en lien avec les besoins de proximité des stocks et de livraison décarbonnée de proximité.