La langue de Voltaire nous offre des surprises toutes logistiques. La consigne…

La consigne, c’est pour certains d’entre nous un retour en arrière vers ce que nous appelons maintenant l’économie circulaire. Depuis les années 1920, les boissons vendues en bouteilles de verre ont fait l’objet d’un retour de l’emballage afin qu’elles soient lavées et réutilisées. La première huile Lesieur, en 1924, était vendue en bouteilles consignées. Le retour des bouteilles consignées a progressivement disparu à partir des années 1960, au profit d’abord d’un modèle consumériste, puis d’un modèle français de récupération et d’incinération.

A ce jour, environ 63% du verre est récupéré et recyclé dans un système que nous pouvons appeler d’économie « semi-circulaire ».

Le seul secteur dans lequel les bouteilles sont encore consignées en France est le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, pour les eaux et sodas.

Mais cette réutilisation efficace des emballages, même si elle implique un coût logistique et industriel, n’est pas encore entrée dans les mœurs, faute probablement de consigne, de loi. La consigne des bouteilles verre et PET existe dans tous les pays nordiques depuis longtemps et ne pose aucun problème.

L’économie circulaire a encore un long chemin à parcourir pour atteindre le niveau de performance de nos voisins de l’Est et du Nord de l’Europe.

Notre consigne actuelle, c’est la loi sur la transition énergétique. Changer d’énergie, sortir du diesel dont nous connaissons les effets dévastateurs pour aller vers d’autres énergies plus propres. Mais une loi ne suffira pas. Comme dans de nombreux autres domaines, le problème n’est pas la loi, c’est son application. Comment inciter les consommateurs, en période de crise, à acquérir des véhicules chers mais plus écologiques, alors que le prix de l’essence diminue et que le diesel est toujours moins cher que l’essence ?

La loi sur la transition énergétique est d’abord une ligne directrice pour les gouvernants. Nous avons en effet trop connu de lois environnementales non appliquées, soigneusement consignées au fond des placards ministériels et qui restent dans les esprits comme des effets d’annonce. Grenelle de l’environnement, loi sur l’air, Ecotaxe…

Notre troisième consigne, c’est celle qui révolutionnera les livraisons de l’e-commerce. Pour la première fois, les livraisons hors domicile, donc en point relais, en magasin  (click & collect), en consignes automatiques ou autre Pickup Store, ont dépassé en 2014 les livraisons directes.

L’internaute devient progressivement lui-même acteur du dernier kilomètre. L’augmentation sur un an de 11% du chiffre d’affaires de l’e-commerce et de 15% du nombre de commandes rend impératif la recherche de solutions alternatives à la livraison directe.

L’inauguration cette semaine du Pick Up Store de la gare St Lazare, après ceux d’Ermont Eaubonne et d’Evry constitue un maillon dans le développement d’un concept complémentaire à la consigne automatique, le bureau de ville. Un espace urbain moderne étudié pour le retrait et l’envoi de colis.

Les avantages des consignes automatiques907234 et bureaux de ville sont environnementaux et financiers. Il s’agit de points de consolidation des flux permettant une réduction de l’impact environnemental et par la même de points massifiés permettant de réduire sensiblement les coûts de la livraison.

Alors, la consigne ou le Pick Up Store, c’est d’abord une bonne affaire pour le citoyen et l’e-consommateur. Ne les consignons pas dans les placards !

L’excellent article paru aujourd’hui dans Télé 7 jours, montre que nous n’en avons pas terminé avec une forme de vente oubliée depuis longtemps, la vente à domicile.

Article Télé 7 Jours du 17 janvier 2015 avec interview de Jérôme Libeskind

Article Télé 7 Jours du 17 janvier 2015 avec interview de Jérôme Libeskind

La vente à domicile, associée à Tupperware, qui la pratique depuis … 1951, retrouve toute sa pertinence dans l’époque d’économie collaborative qui est la nôtre. Transformer son appartement en magasin pendant un temps donné, faire venir des voisins, amis, connaissances afin de leur faire partager les avantages d’un produit ou leur faire tester des nouveautés est à la fois un concept ancien et étonnement moderne.

Il s’agit bien là de créer une communauté à l’échelle d’un quartier afin de vendre des produits. Il s’agit aussi de partager un espace privatif, son logement, en espace commercial pour un temps limité. En ce qui concerne l’utilisation de l’espace, le modèle est assez proche de celui de Airbnb ou de Blablacar.

Sur le plan logistique, nous sommes dans le cadre d’un magasin éphémère, qui va recevoir des produits en temps masqué et les vendre directement ou va prendre des commandes auprès de sa communauté.

Le concept présente de nombreux avantages. Les coûts commerciaux sont réduits par l’absence de surface de vente. Les livraisons sont consolidées auprès d’un seul point qui gère le dernier kilomètre, « l’ambassadeur ». Il évite des coûts logistiques, d’emballage  et de transport souvent importants dans l’e-commerce. Il peut permettre à de nombreuses personnes qui ont des qualités commerciales et un peu de temps disponible de trouver un revenu d’appoint.

La grande différence avec le modèle Tupperware est internet. Il peut servir de levier à la prospection et à la préparation de la vente.

Au travers de cet exemple, Earl Tupper (le fondateur de la marque bien connue) nous apprend que le mode de commercialisation peut être un élément différenciateur sur le plan commercial. Ses produits n’ayant pas eu de succès dans le réseau traditionnel de l’époque, il ne renonce pas et essaie un autre canal de vente, la vente à domicile.

Les vendeuses utilisaient pour cela leurs réseaux sociaux, en quelque sorte leurs voisins, amis, amis de leurs amis et ainsi de suite…

Pas encore cross-canal, Earl Tupper nous a cependant donné une formidable leçon de réussite commerciale et logistique face au système de distribution installé

Le modèle d’Earl Tupper, qui a quasiment le même âge qu’un autre modèle de distribution bien connu, connaîtra-t-il un jour le même succès ? Cabu aurait peut-être eu son avis sur la question…

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Il est grand temps de rappeler quelques anniversaires qui ont marqué l’année 2014 et concernent la logistique.

2014, c’est d’abord pour nous logisticiens l’anniversaire de l’épisode des 600 taxis de la Marne, réquisitionnés par Gallieni en septembre 1914 afin d’acheminer les soldats sur le front. 100 ans plus tard, les taxis restent au cœur de l’actualité. Leur modèle est mis à mal par de nouvelles formes de mobilités : Uber, créé en 2010, le covoiturage, l’auto-partage,  bientôt les taxis collectifs…  comme les taxis de la Marne ! Amazon les teste à New York pour le transport de colis. Le législateur ne pourra qu’accompagner un phénomène et empêcher les dérives. Il ne pourra pas aller à l’encontre d’une tendance mondiale.

2014, c’est l’anniversaire des 50 ans du Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la région de Paris, dont l’initiative revient à Paul Delouvrier. Ce schéma est un cadre fondateur de l’aménagement de l’Ile de France : les villes nouvelles, les autoroutes, le RER, … mais aussi les installations logistiques et notamment les gares routières, le déplacement des Halles à Rungis. Les projets actuels du Grand Paris et de la rénovation des grandes plates-formes logistiques périurbaines sont à mettre en perspective avec ce schéma fondateur.

2014, c’est les 30 ans du « 48 heures chrono » de la Redoute. En 1984, La Redoute invente l’engagement de livrer en 48 heures en point relais et rembourse le montant de la commande si cet objectif n’est pas atteint. 30 ans après, l’enjeu n’est plus 48 heures, mais le respect de l’engagement. C’est aussi le raccourcissement du délai. Grâce à Deliver.ee, la Fnac livre en « 3 heures chrono ». Amazon innove encore en apportant à Manhattan la livraison en 1 heure sur un choix de 25 000 articles. Boulanger sait livrer le lendemain. Le « 48 heures chrono » fait définitivement partie de l’histoire.

2014, c’est l’anniversaire des 20 ans de la création d’Amazon. Comment pourrions-nous imaginer vivre aujourd’hui sans Amazon ? Même si le modèle social et fiscal fait débat, Amazon a le mérite de faire bouger les lignes. Amazon est e-marchand, mais aussi logisticien, transporteur, et permet aux particuliers de devenir vendeurs. C’est tout un modèle que fait changer Amazon, celui du commerce.

Nous retrouvons là les 4 piliers de la logistique urbaine : la mobilité, l’urbanisme, le commerce et le service au client. Ce sont ces 4 piliers qui permettront, si nous les mettons en œuvre de façon plus respectueuse de l’environnement, de construire la ville de demain. Plus attractive, plus numérique, plus collaborative, et plus propre.