Les petites villes ont aussi un centre
« Nous devons conforter la dynamique de la centaine de villes moyennes qui constituent l’armature de notre pays. En particulier les centres-villes de ces communes. On sait en effet que, faute d’avoir pensé un urbanisme commercial à la bonne échelle, on a laissé de constituer dans leur périphérie des centres commerciaux trop importants. Le cœur de ces villes tend donc à se vider de ses commerces. Ces cœurs de villes devraient, au contraire, être le premier lieu de développement économique. » Emmanuel Macron, Révolution, p.159.
En écrivant ses lignes, le président Macron ne pensait peut-être pas mettre en exergue le principal problème de nombreuses villes françaises, qui, loin de se résorber, s’accentue.
Prenons l’exemple de Gignac, petite ville de 5000 habitants au cœur de l’Hérault.
Son marché de producteurs anime la ville tous les samedis matin. Il attire les habitants et les touristes au même titre que le marché de Pézenas ou celui de Clermont-l’Herault. Couleurs, produits locaux, liens de proximité. Ce que recherchent les habitants se trouve le samedi matin sur le marché. Restaurants et cafés rendent cette petite ville agréable et constitue un lieu de promenade et de vie.
Pourtant, la ville meurt progressivement. Et tout s’accélère… notamment du fait des décisions publiques.
Le centre-ville, pourtant carrefour commercial dynamique, peine à survivre. Quelques rues sont déjà désertes.
La solution trouvée par la collectivité locale, plutôt que redynamiser le centre-ville, est de développer, en périphérie de la ville, une zone commerciale neuve, Cosmo, de 15 000 m², accessible essentiellement en voiture, qui va attirer 30 “nouveaux” commerces, un restaurant Mc Donald’s. Des commerces qui progressivement n’existeront probablement plus du tout en centre-ville. La plaquette indique d’ailleurs clairement 5 repositionnements : un fleuriste, un opticien, une pharmacie, un magasin d’informatique et des implantations « nouvelles » : une boulangerie, une boutique de lingerie, un restaurant Mc Donald’s, une banque (combien de temps au rythme de la fermeture des agences bancaires ?). Le président de la communauté de communes, indiquait, en défendant ce projet, que la zone Cosmo « va transformer Gignac de bourg rural en petite ville ». Mais cette transformation pourrait s’avérer différente, de bourg rural dynamique en centre-ville désert.
L’inauguration de cette zone, avec la présence du député, du maire, du président de la communauté de commune, se présentait comme un message de développement économique aux frais de la collectivité locale, qui a financé l’aménagement de la ZAC.
Pourtant, on peut penser que cette nouvelle zone, comme il en existe des centaines en France, est à contre-courant des objectifs mentionnés dans le livre du président Macron, qui découlent du bon sens. Elle ne fera qu’accélérer la désertification du centre-ville, des villages environnants, et l’utilisation de la voiture pour les déplacements d’achat. En effet, Cosmo est trop loin pour envisager des déplacements à pied, et peu agréable pour le piéton, qui doit traverser des routes, une zone utilisée par un Intermarché, une enseigne Monsieur Bricolage, des services d’entretien automobile. Elle ne créera probablement aucun emploi mais en déplacera, du centre-ville ou des villages vers cette nouvelle périphérie urbaine. Elle posera un nouveau problème qui sera celui du centre-ville et de la mobilité des personnes. Elle posera également le problème, déjà latent, des commerces dans les zones rurales environnantes.
La logistique urbaine et l’organisation des centres-villes est d’abord de la responsabilité des élus. Le gouvernement doit probablement urgemment décréter un moratoire afin de fixer une ligne directrice qui s’impose aux élus, visant à protéger l’activité économique dans les centres-villes et arrêter de développer des zones commerciales périphériques, fondées sur une mobilité d’un autre siècle,celle de la voiture. Ces zones constituent, comme Olivier Razemon l’explique si bien dans son ouvrage “Comment la France a tué ses villes”, un déplacement du centre-ville actuel. On trouve en effet dans ces zones, non plus seulement des grandes surfaces, mais des activités qui ont naturellement leur place en centre-ville : des services de santé, un huissier, une boulangerie…
Pour parfaire l’œuvre engagée au travers de ces aménagements, Il ne restera alors plus qu’à déplacer le marché du samedi matin, du centre-ville historique, vers le nouveau centre-ville Cosmo ! Au revoir le centre-ville, vive Cosmo-sur-Hérault !
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