En 2017, la délocalisation fête ses 150 ans
De l’Europe aux Etats-Unis, un des discours, mis en avant par les protectionnistes, mais aussi par beaucoup de responsables de tous bords, est de mettre un terme à la délocalisation des activités économiques.
Depuis des années, et même des décennies, des pans entiers de notre économie sont partis loin de chez nous, en Chine ou ailleurs. Malgré les discours politiques, le mouvement ne s’arrête pas, loin de là.
La première délocalisation semble dater de 1867. L’entreprise américaine Singer, de montage de machines à coudre, avait à l’époque décidé de délocaliser une partie de sa production en Ecosse, qui avait à l’époque un coût de main d’œuvre plus bas. Cet exemple de délocalisation vers la Grande Bretagne a été suivi par différents autres industriels, dont Eastman Kodak.
La délocalisation, dont l’histoire est aussi associée au capitalisme américain et à Ford, qui dès le début du 20ème siècle, avait commencé à fabriquer des voitures dans des pays à bas coût de main d’œuvre.
Le second mouvement est plus tardif et date des années 1960, avec la délocalisation de nombreuses activités du Japon vers d’autres pays asiatiques proches.
Depuis lors, le mouvement n’a eu de cesse de s’étendre à de nombreux secteurs de l’économie et à tous les pays industrialisés, avec des transferts vers des pays de plus en plus éloignés et de plus en plus pauvres.
Dans le secteur du textile, un exemple emblématique est celui du groupe irlandais Primark, dont le modèle est proche du hard discount ou du low cost, avec des produits fabriqués notamment au Bangladesh, donc achetés extrêmement bon marché. Primark se targue sur son site web d’une éthique particulièrement développée, d’une politique environnementale. Primark avait pourtant fait la une de la presse lorsque l’usine d’un de ses sous-traitants s’était effondrée avec 581 décès. Primark a d’ailleurs indemnisé les familles à hauteur de 6 millions £ soit 10 000 £ par décès…
Les coûts bas des produits en magasin sont la conséquence du coût salarial, mais aussi d’économies sur l’ensemble de la chaîne, allant de l’immobilier à la sécurité.
Au-delà de ces drames caractéristiques de la délocalisation poussée à l’extrême, penchons-nous sur les conséquences environnementales de celle-ci, souvent oubliées.
L’Europe (et les Etats-Unis) n’ont fort heureusement pas perdu toute leur industrie. De nombreux composants utilisés dans la fabrication, que ce soit des vêtements, de l’électronique ou de l’automobile, restent fabriqués dans les pays occidentaux.
Ainsi, la délocalisation, souvent assimilée à du travail à façon, induit des flux dans les 2 sens, souvent en conteneurs maritimes. Pour le secteur du textile, il s’agit ainsi d’acheminer des tissus vers l’usine lointaine, puis importer des produits finis.
Les risques d’une délocalisation lointaine, démultipliés par l’évolution du marketing (Primark a par exemple 12 collections par an) impliquent également la création de stocks de sécurité près des bassins de consommation ou en tout cas des stocks plus importants afin de faire face aux aléas de la production, mais surtout de la consommation. Ce sont donc des surfaces supplémentaires d’entrepôts nécessaires afin de compenser la délocalisation lointaine.
La délocalisation implique plus de transport dans les deux sens (souvent maritime mais parfois aérien en cas d’urgence) et des surfaces supplémentaires d’entrepôts en Europe.
Sauf à prendre des mesures fortes contre la mondialisation, qui impliqueront nécessairement une inflation sur de nombreuses catégories de produits, ou une baisse sensible des salaires permettant de produire à nouveau en France, ce qui aurait d’autres conséquences, une solution intermédiaire, permettant de réduire les coûts environnementaux, consiste à délocaliser moins loin. C’est ainsi le cas de l’Europe de l’Est, et du bassin méditerranéen. De nombreux groupes, tels Zara, ont choisi cette option qui leur permet d’apporter beaucoup plus de flexibilité. Certes, les salaires sont plus élevés qu’au Bangladesh, les réglementations plus contraignantes. Mais les délais de transport sont réduits, par conséquent l’impact environnemental. Le Maroc et la Tunisie, territoires traditionnels de délocalisation textile, ont été délaissés au profit de pays d’Asie à coût de main d’œuvre encore plus bas. Un cheminement inverse semble possible, avant d’imaginer que nous retrouvions dans nos pays des usines textiles.
Un déplacement progressif vers des usines plus proches permet aussi, dans ces pays émergents de proximité de la zone Europe, de pouvoir faire en sorte qu’une partie de la production locale soit consommée dans le pays ou dans la zone, venant alors aider au développement de ces pays et à une consommation plus locale.
Ces flux sont alors des flux locaux, d’une usine délocalisée vers un marché de proximité.
L’e-commerce, le cross-canal, la réactivité demandée par le consommateur sont des facteurs qui inciteront les enseignes à revenir vers une fabrication de proximité, avec moins de stock, plus de réactivité… et moins d’impact environnemental.
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