Le consommateur gagnera-t-il la bataille du dernier kilomètre ?
Les dernières évolutions concernant la livraison e-commerce montrent une prise en compte nouvelle du consommateur.
C’est là une bonne nouvelle. Il n’est plus le « grand oublié » du dernier kilomètre. Il a le droit de choisir et on ne lui impose plus de rester chez lui une journée afin de recevoir un colis, ou de passer son samedi matin à essayer de récupérer son achat.
Il a aujourd’hui de plus en plus le droit de choisir entre un délai, un rendez-vous ou un retrait lui-même de son achat.
Concernant le délai, nous apprenons avec plaisir que les deux start up françaises, Colisweb et Deliver.ee, viennent de réussir leur levée de fonds. Ces deux start ups sont positionnées sur un créneau de temps : livrer en moins de deux heures 10 métropoles françaises et demain un territoire encore plus large. Pour cela, le produit doit être dans un magasin de la ville, qui sert alors d’entrepôt pour l’occasion. La réussite de ce modèle tient sur l’application mobile, qui permet de géolocaliser une flotte de coursiers et de gérer au mieux cette flotte. Ainsi, ce mode de transport, le ship-from-store, révolutionne le métier du coursier, à l’instar d’Uber, qui modifie celui du taxi.
Le retrait du colis par le client est en train de changer. En effet, en complément des points relais traditionnels, qui datent des années 1980, apparaissent de nouveaux modèles tout à fait intéressants.
A titre d’exemple, Casino lance le développement de points relais express, notamment pour les produits encombrants. En effet, Casino constate que la majorité des internautes préfèrent retirer eux-mêmes leur produit électroménager et bénéficier d’un prix de livraison réduit ou gratuit. La livraison à deux personnes avec installation est un créneau en développement, mais qui ne correspond qu’à une part minoritaire de la demande.
Pickup service, filiale de Geopost (groupe La Poste) vient d’imaginer le point retrait de demain, génération suivante après le point relais commerce des années 1980. Le modèle de ce pickup store vient d’être ouvert à Ermont Eaubonne. Communément appelé, dans toutes les études de logistique urbaine, par le nom générique de « bureau de ville », ce pickup store a pour fonction principale, et non annexe comme les points relais, le retrait et la dépose des colis. En quelque sorte un bureau de poste, mais principalement destiné aux colis. Afin de rentabiliser ce concept, Pickup Service a imaginé compléter cette activité par des services de conciergerie ou de courrier. En quelque sorte un point multiservices donc le cœur est le colis.
Autre évolution, la consigne. Il est fort à parier que, dans les années qui viennent, la consigne remplacera partiellement ou majoritairement le point relai traditionnel, au moins dans les centres urbains et périurbains. En effet, la consigne mutualisée permet un accès 24 h 24 et évite l’attente et la recherche d’un point relais parfois éloigné. Elle permet d’expédier des colis et également de gérer le C to C, en très fort développement.
Le développement des consignes en France accuse un énorme retard par rapport à de nombreux autres pays européens, d’Europe du Nord, de l’Est ou plus proche de chez nous, par rapport à la Belgique, qui dispose de 118 points de consigne BPost. Les deux réseaux d’Abricolis et de Packcity vont probablement modifier le paysage et permettre un développement considérable de la livraison hors domicile.
La question est alors de savoir qui seront les opérateurs du dernier kilomètre dans les années qui viennent : les Postes nationales, Google express, Amazon, ou les transporteurs traditionnels ?
L’accélération récente de la guerre du dernier kilomètre entre Google express, qui dessert déjà 22 millions d’américains, et Amazon, laisse penser que les acteurs de demain ne seront pas nécessairement uniquement ceux que nous avons connus dans le passé.
Découvrir le client nécessite alors de changer de modèle. Soit les opérateurs traditionnels, postaux ou transporteurs privés sauront s’adapter à cette nouvelle donne, soit ils laisseront progressivement ce marché aux spécialistes de la relation client, les grands e-marchands
Les transporteurs ou les pures players de la vente au détail sur internet ne seront, à mon avis, pas les principaux gagnants du dernier kilomètre. Ces acteurs continueront certes à améliorer le parcours client en renforçant le maillage des points relais, et à créer des ruptures innovantes (drone d’Amazone qui reste à régler sur le plan juridique), mais je parierais davantage sur les consignes réfrigérées qui seront implantées dans les commerces alimentaires de grands centres urbains. Le mode de vie des populations actives des grandes métropoles et un certain retour des jeunes actifs à la centralité comme zone polarisant les emplois à valeur ajoutée mais également par opposition à leur parents qui ont accédé à la propriété dans les années 70 en s’éloignant des villes et en favorisant l’extension des hyper marchés, vont, à mon sens favoriser de nouvelles pratiques dans l’acte de faire ses courses au quotidien. D’où la création des Carrefour market ou la nouvelle dynamique du Monoprix, lesquels s’accompagneront irrésistiblement d’une offre de consignes réfrigérées.
Pavel PARDO
GSA
Acrelec