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2014-02-26 17.17.11Une exposition retrace en ce moment à Paris (musée de la Marine) une opération de logistique urbaine qui mérite sans aucun doute le détour, celle de l’obélisque de la Concorde. Un petit retour en arrière permet de comprendre l’organisation de cette opération hors du commun.

En 1829, Mehemmet-Ali, vice-roi d’Egypte, fait cadeau à France d’un obélisque. Champollion (déjà lui…), les examine tous et ne choisit pas le plus simple à transférer, en l’occurrence un de ceux positionnés à Louxor.

Cet obélisque fait pas moins de 230 tonnes et 22,37 mètres de haut. Evidemment,  c’est un projet « pharaonique »…

Un homme sera au cœur de cette opération, un vrai Supply Chain Manager, Apollinaire Lebas.

Apollinaire Lebas

Apollinaire Lebas

Retraçons le cheminement et rendons lui hommage.

Le 19 décembre 1831, l’obélisque est chargé et amarré sur un bateau construit pour l’occasion et nommé « Le Louxor ». Il arrive en janvier 1833, à Alexandrie (environ 750 kilomètres) après maintes difficultés. Le 1er avril 1833, l’obélisque quitte Alexandrie, toujours sur le « Louxor » mais remorqué par un bateau à vapeur le Sphinx. Il arrive à Toulon le 10 mai, puis s’arrête à Gibraltar, Algeciras, La Corogne, Cherbourg, Le Havre et enfin Rouen, le 14 septembre 1833.bloc_conf2_louxor

Le bateau attend la crue de la Seine durant 3 mois et quitte Rouen le 19 décembre 1833 pour arriver 10 jours après à Paris.

Donc un parcours de 2 ans mais avec une arrivée à bon port !

Le débat pour l’emplacement choisi par Louis-Philippe durera un certain temps puisque l’obélisque attendra encore près de 3 ans (le 25 octobre 1836) pour être positionné place de la Concorde devant une foule de 200 000 personnes.

Notre Supply Chain Manager tout désigné nous a donc appris que l’important, ce n’est pas nécessairement le délai, mais le respect d’un engagement.

Nous apprenons également que Louis-Philippe souhaitait, en choisissant ce lieu pour l’obélisque, que cette place ne porte plus la marque de l’échafaud. Elle a donc peut-être maintenant, avec l’obélisque et l’espace logistique urbain de Chronopost situé en dessous, la marque de la logistique urbaine!

Economie de partage, crowdsharing, les noms de manquent pas pour désigner ces nouveaux modes de consommation, plus solidaires et permettant de mieux partager des moyens, voitures, vélos, appartementsLa logistique urbaine, comme d’autres secteurs de l’économie, n’échappe pas à cette évolution sociétale.

Plusieurs aspects me semblent intéressants à exposer.

Tout d’abord, la logistique urbaine nécessite de mieux partager la voirie. Pendant des décennies, la voirie était réservée prioritairement aux voitures, mais aussi aux véhicules de livraison, se garant parfois en double file pour de multiples raisons, et accessoirement aux transports en commun et piétons. Sont arrivés dans les villes les tramways, les vélos, les 2 roues motorisés et surtout une volonté de mieux respecter le piéton, souvent habitant d’un centre ville que l’on souhaite rendre plus attractif.

Un des aspects d’une meilleure logistique urbaine passe par ce partage de la voirie. Mais pas dans n’importe quelles conditions. Ce partage doit être vertueux, c’est-à-dire permettre aux piétons de disposer d’un peu plu d’espace public pendant les horaires d’activité intense (par exemple en fin d’après-midi et le samedi), aux véhicules de livraison de pouvoir effectuer leur mission avec le maximum d’efficacité et le moins de perturbations possibles (pendant les horaires de livraison matinale par exemple), permettre aux autres véhicules de circuler normalement ou de stationner. Cela passe bien sûr par la réglementation, mais surtout la concertation. Un bon exemple de ce partage de voirie a été mis en place à Bruxelles, sur l’avenue Louise. Cette initiative réussie a été présentée lors du workshop Bestfact des 29 et 30 janvier.

Bruxelles, avenue Louise

Bruxelles, avenue Louise

La ville de Paris a également adopté avec succès cette idée du partage pour les places de livraison en répartissant les 10 000 places de la ville de places « sanctuarisées » et « places partagées ». Ces dernières permettent aux automobilistes de stationner la nuit et les dimanches et aux activités de livraison d’utiliser ces places en journée.

places de livraison partagées à Paris

places de livraison partagées à Paris

Un second aspect du partage est dans l’immédiat théorique, mais est promis  certainement à  un grand avenir.

La logistique urbaine nécessite des surfaces afin de consolider des flux ou changer de mode de transport. Les surfaces immobilières en ville représentent un coût très élevé qui pénalise la mise en œuvre de solutions. Ces locaux ne sont utilisés que quelques heures dans la journée, souvent le matin tôt (jusqu’à 9h environ) et le soir. Imaginons alors des solutions de partage, permettant à ces mêmes locaux d’accueillir dans la journée d’autres activités et de partager ainsi les coûts. Pourquoi par exemple ne pas imaginer des surfaces qui permettraient le matin de trier des colis, puis à 10 h, d’accueillir des activités d’association (sport par exemple) et qui retrouveraient à 16h ou 17h une activité logistique ?

Enfin une autre idée du partage est la livraison. Certaines expériences de crowdsharing ont été initiées, en permettant à des particuliers de livrer des colis ou des courses alimentaires pour le compte d’autres particuliers. Voir article de ce  blog sur l’expérience Myways de Stockholm. Walmart s’intéresse également de très près à cette idée aux Etats-Unis.

Alors imaginons la logistique urbaine en partageant!

 
plan de la petite ceinture en 1924

Depuis des années, différentes associations se mobilisent afin de faire revivre la Petite Ceinture.petite ceinture

Nathalie Kosciusko-Morizet a inclus dans son projet de mandature la transformation de cet axe inutilisé en piste cyclable de façon particulièrement attractive. Anne Hidalgo présente à son tour aujourd’hui son projet pour l’aménagement de cette ancienne voie ferrée.Petite_ceinture_12e

Les parisiens et amateurs de vélo ne peuvent que se réjouir de voir enfin revivre cet axe, et plus encore, de le voir transformé en piste cyclable aménagée et sécurisée, ce qui est loin d’être le cas de tous les axes cyclables à Paris.

Mais rappelons-nous l’histoire de la Petite Ceinture et son rôle majeur qui a été le sien dans la distribution des marchandises.

La Petite Ceinture a été créée à la grande époque du chemin de fer, entre 1852 et 1869. Cette rocade ferroviaire a été conçue après la réalisation des principaux axes Paris-province et des gares parisiennes,  dans les années 1840. Aucune liaison n’existait alors entre ces différents axes de circulation ferroviaire.

L’état, de même que les différentes compagnies exploitant les lignes radiales, ont financé de projet qui était à l’origine de 32 kilomètres.

Cette ligne a d’abord été conçue pour l’acheminement de marchandises et l’interconnexion des différentes lignes. Ainsi, en 1855, la Petite Ceinture, rive droite, a transporté 780 000 tonnes de fret. Le trafic voyageur sur la petite ceinture a débuté plus tard, en 1862 et a transporté 39 millions de passagers en 1900. Ce service voyageurs a perduré jusqu’en 1934, sauf sur sa partie Ouest.plan de la petite ceinture en 1924

Le développement rapide du trafic des marchandises a conduit, dès 1875, les grandes compagnies de Chemin de Fer à construire la ligne de Grande Ceinture de Paris, le réseau ferré national étant disposé en étoile à partir de Paris et la Petite Ceinture ne pouvant faire face à ces besoins de contournement et d’échange.

La Petite Ceinture a cependant continué, après 1934, à connaître une activité marchandises intense, en desservant notamment les usines Citroën de Grenelle, les abattoirs de Vaugirard, les ateliers du métro et la gare de Paris-Gobelins, cette dernière regroupant aujourd’hui essentiellement les grossistes de produits asiatiques, ceci jusqu’en 1991. La ligne comportait 5 gares de marchandises et 2 gares de triage.

Le réseau de la Petite Ceinture a été partiellement réduit à partir des années 1950 et est à ce jour incomplet.

Si les projets de transformation de cet axe ne peuvent que recueillir une adhésion, il serait dommage de ne pas conférer à cet ensemble une vocation de logistique urbaine, en complément de son objet cyclable.

Plusieurs idées peuvent alors être émises :

–          Autoriser cet axe aux cargo-cycles, mais aussi aux petits véhicules électriques de livraison urbaine (de type Goupil ou Mooville), qui roulent à une vitesse réduite et sont de faible largeur);

cargocycle

cargocycle

petit véhicule de livraison électrique urbain

petit véhicule de livraison électrique urbain

–          Profiter de cet axe et de  la présence de gares désaffectées pour créer des ELU tout le long du parcours. Ces Espaces Logistiques Urbains peuvent être de différents types : surfaces de quelques centaines de m² directement connectés à la Petite Ceinture ; surfaces partagées avec d’autres activités.

Concernant ce dernier point, nous pourrions imaginer des espaces utilisés le matin tôt pour des activités de tri de colis transportés en cargo-cycles et le reste de la journée pour des activités de loisirs, tel qu’ils sont imaginés. En effet, la logistique urbaine nécessite des surfaces en ville, mais pas nécessairement toute la journée. Les horaires de la logistique urbaine sont probablement compatibles avec d’autres activités.

Profitons donc de cette opportunité exceptionnelle de faire revivre un axe inutilisé qui contourne Paris pour y associer des initiatives de logistique urbaine !