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Comme chaque année, le jury du prix SLID, dont Jérôme Libeskind fait partie, au titre du groupe de travail Logistique Urbaine de l’Aslog, a remis ses trophées.

Cette année, les choix étaient particulièrement difficiles du fait de la grande qualité des dossiers. Ainsi, d’excellents dossiers comme celui de Sogaris pour l’hôtel logistique de Chapelle International, de DHL express pour le déploiement de véhicules électriques dans le centre de Nice, Nestore pour son concept de drive piéton automatisé, TK Blue ou le développement par Relais Colis de consignes dans les gares, n’ont pas été primés malgré leur grande qualité.

Même si un prix, ce sont toujours des gagnants (peu nombreux) et des perdants (de plus en plus nombreux du fait du succès du prix), c’est toujours une occasion de mettre en évidence des innovations et des solutions. Malgré la définition de plusieurs catégories bien distinctes, il s’agit aussi pour le jury de comparer des projets qui souvent n’ont pas grand-chose en commun. La diversité de l’innovation de logistique urbaine est là pour témoigner de toute cette complexité.

Mais ce prix, c’est surtout l’occasion de réunir toute une communauté autour de l’innovation et du développement durable dans la livraison urbaine, de témoigner et d’échanger.

Le jury a dû accomplir sa difficile mission qui a été de choisir les heureux lauréats.

Dans la catégorie transporteurs et prestataires, c’est Applicolis qui s’est vu recevoir ce prix. Le dernier kilomètre a été marqué ces dernières années par l’émergence de modèles de livraisons instantanées, souvent à vélo ou à scooter, qui font parfois du livreur la variable d’ajustement d’un modèle économique. Les critiques sont nombreuses : conditions de travail, accidentologie, absence de protection sociale et d’assurance, précarité. Le jury a souhaité récompenser une innovation sociale mais aussi économique. AppliColis est la première coopérative de coursiers en France, qui permet d’accompagner les commerces de proximité dans la livraison instantanée. La forme de coopérative, déjà présente dans d’autres secteurs de l’économie, nous semble adaptée au transport du dernier kilomètre afin d’apporter à la fois des solutions sur le long terme et un encadrement des coursiers. AppliColis nous semble se situer dans la continuité des propositions du récent rapport de Terra Nova « des marchandises dans la ville », proposant notamment de promouvoir le développement de coopératives dans la course urbaine. Les enjeux du dernier kilomètre et la recherche de solutions performantes ne doivent pas occulter la pérennité d’un modèle social responsable. C’est ce modèle que le jury a souhaité mettre en valeur comme une solution de transport responsable et adaptée aux exigences actuelles de service.

Dans la catégorie Eco-solutions logiciels, le prix a été remis conjointement à 2 start-ups concurrentes, Fretlink et Convargo. Récompenser ces solutions est aussi l’occasion de mieux faire comprendre l’apport des plateformes de mise en relation entre offre et demande de transport et de montrer que ces plateformes n’érodent pas nécessairement les prix de la prestation transport, ni la qualité de service, ni la marge du transporteur. Intuitivement, ces deux solutions permettent d’optimiser les taux de remplissage et les kilomètres parcourus et font se rejoindre l’intérêt économique et l’intérêt environnemental, au cœur du Prix Stratégies Logistiques. Les années à venir permettront de confirmer ces intuitions, sur la base d’évaluations menées avec de vraies données d’exploitation.

Le prix de la catégorie Eco-solutions matériels a été remis à Carrier Transicold pour le développement d’une solution innovante de réfrigération au GNC, qui apporte au monde de la logistique urbaine une solution globale et durable : les camions de livraisons peuvent désormais adopter le même carburant gaz pour leur motorisation et leur système de réfrigération. Une vraie solution pour la santé publique : pas d’émissions de particules, moins de bruit, des livraisons plus tôt le matin, des villes moins engorgées. Un usage facilité pour les chauffeurs qui n’ont plus qu’un seul carburant à gérer. Sans oublier la possibilité immédiate d’alimenter les véhicules en biométhane, la version renouvelable du gaz naturel, pour un transport totalement décarboné !

Le prix Logistique urbaine a été remis à FM Logistic. Avec une politique européenne de logistique urbaine, de Rome à Moscou, de Paris à Madrid, FM logistic met en place en milieu urbain des solutions de consolidation des flux que ce groupe connait bien au travers du pooling dans la grande distribution. Les efforts et la stratégie de ce groupe au travers de Citylogin méritent d’être récompensés. Les ambitions de FM logistic en logistique urbaine sont grandes et méritent d’être mise en valeur au travers de ce prix.

Enfin, le prix coup de cœur et infrastructures a été remis à la start-up Sofrinnov, pour son concept de récupération de palettes utilisées pour la construction d’abris d’urgence, de dispensaire, voire d’entrepôts. Sofrinnov allie économie circulaire en logistique, modèle social et solidaire.

abri Sofrinnov

Bravo à tous les gagnants, mais aussi aux nombreux candidats et nominés, qui participent au succès de cet événement, qui devient un moment apprécié et incontournable.

Les Assises Nationales de la Mobilité, préalables à une future Loi d’orientation des mobilités, ont permis de nombreux débats auxquels l’ASLOG a participé de façon active. L’ASLOG vient remettre aux députés en charge de l’animation des groupes et à la ministre des transports ses propositions.

Elles se situent dans la continuité des propositions déjà soumises lors de la COP 21, en 2015. Elles apportent toutefois quelques nouveautés, notamment liées aux évolutions récentes.

La première nouveauté consiste à proposer de mettre en place un mode de responsabilisation du consommateur final, le particulier, dans le cadre de ses achats sur internet. Le consommateur fait face de plus en plus souvent à plusieurs solutions de transport qui lui sont proposées telles que livraison en 48h, express, en point relais, en consignes, instantanée… Les impacts environnementaux de ces solutions ne sont pas identiques.

Ses critères de choix sont exclusivement le service et le prix qui lui sont proposés par l’e-marchand. Il pourrait être judicieux d’ajouter un critère qui est le caractère environnemental du service proposé.

De plus en plus de consommateurs sont sensibles à l’environnement et peuvent trouver un intérêt à être mieux informés sur les effets de la solution de transport choisie. Cette proposition répond à une problématique majeure de l’e-commerce : 8,8% de la consommation génèrent 20 à 25% des flux de livraison en ville. Il y a donc un enjeu majeur a trouver des solutions afin de livrer les agglomérations de façon plus propre.

Autre innovation, les Assises de la mobilité regroupent dans les mêmes groupes de travail des problématiques de mobilité des personnes et des marchandises. C’est alors une opportunité de mieux lancer le débat de la mutualisation des moyens et des capacités dans les transports publics urbains. Utiliser les transports urbain (ou interurbains) tels que tramway, bus, autocars, trains régionaux ou métro pour le transport de marchandises peut permettre de réduire le nombre de camions. Les solutions sont multiples, allant de création de tramfret à l’utilisation de capacités de transport urbain en heure creuse, ou sur des trajets interurbains désaffectés par les voyageurs.

Un troisième aspect nouveau dans ces propositions est celui de la cyclo-logistique. Image d’un mode de livraison propre, que souhaitent les villes afin de désengorger les centres-villes, la cyclo-logistique ne résoudra pas toutes les problématiques de logistique urbaine. Toutefois, elle peut apporter des solutions locales nombreuses, créer des emplois et permettre de répondre aux problématiques de la livraison du dernier kilomètre. La cyclo-logistique est toutefois oubliée du cadre légal, notamment celui des aides publiques à l’achat de véhicules. La France est très en retard par rapport à d’autres pays européens et il serait juste de considérer l’achat d’un cargo-cycle comme celui d’un véhicule ou d’un scooter électrique. La proposition de l’Aslog va donc dans ce sens.

Biporteur avec remorque- CityCyclo Le Mans

L’Aslog rappelle l’importance de réserver dans les villes des immeubles et terrains pour la logistique urbaine sans négliger les travaux qui permettront de développer des solutions de conteneurisation urbaine, dont le transfert modal peut être effectué à l’extérieur. L’Aslog insiste sur un sujet souvent mis en avant dans les études de logistique urbaine, la complexité et multiplicité de règlements locaux. L’Aslog propose de mieux les mettre en cohérence, afin que les entreprises puissent plus facilement dupliquer sur les différents territoires les solutions de logistique urbaine mises en oeuvre. Un portail commun pourrait être mis en place afin de diffuser les informations sur les réglementations et les modifications quotidiennes.

Logicités a eu le plaisir de participer à ces travaux dans le cadre du groupe de travail Logistique Urbaine de l’Aslog. Merci à toute l’équipe de l’Aslog qui s’est mobilisée à cette occasion.

Les règles de gestion de l’espace public semblent parfois décalées par rapport aux pratiques et aux besoins évolutifs de la mobilité.

Dans les grandes villes, les livraisons sont souvent effectuées, pour les deux-tiers d’entre elles, en dehors de aires de livraison, donc en double file ou sur les trottoirs. Est-ce la faute aux transporteurs ou aux automobilistes qui occupent les places de façon illicite ? Sans occulter la réalité des cas particuliers, la cause principale est tout simplement le fait que les points de livraison correspondent de moins en moins aux places de livraison, pourtant définies de façon précise à partir de données réelles.

Par exemple, du fait du développement du e-commerce, toute la ville devient un territoire de livraison, pas uniquement les secteurs denses en commerces ou les ensembles tertiaires.

Il faudra donc revoir les règles de partage de l’espace afin que les livraisons puissent s’effectuer de façon plus fluide, sans perturber les autres occupants de l’espace public urbain.

Dans certaines villes, comme Barcelone, des voies font l’objet d’un partage temporel, une sorte de time sharing. Pendant certains créneaux, ces voies sont réservées aux livraisons, pendant d’autres créneaux aux autobus et taxis et à d’autres horaires au trafic général de voitures. Il s’agit là d’une bonne pratique à développer dans des secteurs denses.

D’autres formes d’utilisation partagée des aires de stationnement peuvent être mises en place à l’aide de capteurs et d’informations transmises sur les terminaux portables.

A Strasbourg, la ville réfléchit à la mise en place d’une Zone à Trafic Limité, qui permet, à l’aide de caméras et de l’utilisation du fichier des immatriculations, d’autoriser certains véhicules et pas d’autres. Il s’agit d’une initiative visant à mieux réguler l’usage de l’espace public.

Autre sujet qui apparaît de façon sensible dans les villes, les consignes de retrait de colis. Elles permettent de consolider les flux de livraison e-commerce et ainsi de réduire le nombre de points de livraison. Dans certains pays, ces consignes servent aussi à envoyer des colis. Ce sont donc en finalité moins de camions sur le territoire urbain. Mais pour installer des consignes, il faut un positionnement aisé afin de les alimenter (donc une aire de stationnement à proximité) et un accès facile pour les consommateurs. La situation idéale est par conséquent sur la voie publique, avec un accès 24h/24. Cette nouvelle forme de mobilier urbain, dont l’impact environnemental est positif, nécessite une forte coopération des villes, qui attribuent les droits d’utilisation de l’espace public. Au-delà de la prise de conscience, la mise en œuvre de plan local d’implantation des consignes constitue un enjeu de logistique urbaine pour les villes.

Dernier sujet qui apparaît, celui des flottes de véhicules en « free floating » : scooters, vélos, peut-être un jour des vélocargos… Les modèles de partage évoluent très rapidement et nécessitent une organisation plus souple de l’espace public. Gobee-bike, O-bike, Ofo, bientôt également Mobike et Pony Bikes… Le Velib aura à Paris plusieurs concurrents avec un modèle de fonctionnement plus souple, plus simple et très bon marché. L’apparition de ces nouveaux modèles qui permettront de faire rapidement évoluer la part de la mobilité à vélo dans les villes, n’est toutefois pas sans poser des problèmes.

Tout d’abord, ils posent probablement le problème de la différenciation en termes de qualité de service, avec les modèles existants tels le Velib. Le modèle du Velib devra nécessairement se réinventer, en termes de qualité de service et de prix.

D’autre part, ils doivent inciter les villes à accélérer la mise en place d’un partage plus équitable de l’espace. Les enjeux sont énormes, ce sont moins de voitures dans les villes et probablement moins de scooters ou motos. Les stationnements autorisés pour vélos sont souvent très petits et rares. Il est donc nécessaire de prévoir, quasiment dans chaque rue et à chaque carrefour, des places de stationnement vélo.

Un meilleur partage passe donc vers une place réduite de la voiture. Et surtout des stationnements en surface. Ce sont ces stationnements de voitures, totalement improductifs pour la ville, qui posent un problème majeur d’espace afin d’accueillir demain, plus de véhicules de livraison (propres bien entendu), plus de vélos, plus de consignes de retrait de colis.