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Léon Mougeot

Léon Mougeot

Léon Mougeot, plus connu à son époque pour les « Mougeottes », a été redécouvert par Jean-Louis Debré, qui l’a mis en avant dans son livre « les oubliés de la République ».

Mais Léon Mougeot est également un grand oublié de la logistique urbaine à qui il convient de rendre hommage.

Membre de la gauche progressiste, Léon Mougeot est sous-secrétaire d’état aux Postes et Télégraphes pendant quatre années, entre 1898 et 1902.

En 1899, il fait face à une importante grève des facteurs parisiens. Pour sortir de cette situation, Léon Mougeot décide de mettre en œuvre un vaste programme de modernisation de la Poste.

Une des mesures est la réalisation de boîtes aux lettres en fonte, dénommées « les Mougeottes ». Ces boîtes aux lettres remplacent les boîtes aux lettres en bois. Elles ont la particularité de gérer des informations, le jour et la date de la levée, mais également si cette levée a été effectuée ou pas encore.

Nous sommes déjà à l’heure de l’information.

Passionné de modernisation, il met en place les premiers distributeurs automatiques de timbres-poste.

Léon Mougeot est également un grand défenseur de la Petite Reine. En effet, il met en place un programme d’encouragement à l’achat et l’entretien par les facteurs de bicyclettes, ceci afin de réduire la pénibilité du travail de distribution du courrier.

Enfin, visionnaire, il encourage des essais de motorisation des tournées en véhicules électriques.

Léon Mougeot était sans aucun doute, en peu d’années, un des hommes politiques qui a le plus œuvré dans le sens de l’amélioration de la logistique du dernier kilomètre.

Il nous a également appris qu’un malaise social est parfois le révélateur d’une volonté de changement profond des techniques et des méthodes. Il a su mettre en œuvre ces innovations et restera dans l’histoire comme l’un des grands précurseurs de la distribution moderne du courrier.

La Poste nous montre aujourd’hui, au travers de ses nombreuses évolutions,  qu’un peu plus d’un siècle après Léon Mougeot, une autre mutation se prépare, celle du colis et de la ville.

Alors réinventons les Mougeottes, mais pour les colis !

Les dernières évolutions concernant la livraison e-commerce montrent une prise en compte nouvelle du consommateur.

C’est là une bonne nouvelle. Il n’est plus le « grand oublié » du dernier kilomètre. Il a le droit de choisir et on ne lui impose plus de rester chez lui une journée afin de recevoir un colis, ou de passer son samedi matin à essayer de récupérer son achat.

Il a aujourd’hui de plus en plus le droit de choisir entre un délai, un rendez-vous ou un retrait lui-même de son achat.

Concernant le délai, nous apprenons avec plaisir que les deux start up françaises, Colisweb et Deliver.ee, viennent de réussir leur levée de fonds. Ces deux start ups sont positionnées sur un créneau de temps : livrer en moins de deux heures 10 métropoles françaises et demain un territoire encore plus large. Pour cela, le produit doit être dans un magasin de la ville, qui sert alors d’entrepôt pour l’occasion. La réussite de ce modèle tient sur l’application mobile, qui permet de géolocaliser une flotte de coursiers et de gérer au mieux cette flotte. Ainsi, ce mode de transport, le ship-from-store, révolutionne le métier du coursier, à l’instar d’Uber, qui modifie celui du taxi.

Le retrait du colis par le client est en train de changer. En effet, en complément des points relais traditionnels, qui datent des années 1980, apparaissent de nouveaux modèles tout à fait intéressants.

A titre d’exemple, Casino lance le développement de points relais express, notamment pour les produits encombrants. En effet, Casino constate que la majorité des internautes préfèrent retirer eux-mêmes leur produit électroménager et bénéficier d’un prix de livraison réduit ou gratuit. La livraison à deux personnes avec installation est un créneau en développement, mais qui ne correspond qu’à une part minoritaire de la demande.

Pickup service, filiale de Geopost (groupe La Poste) vient d’imaginer le point retrait de demain, génération suivante après le point relais commerce des années 1980. Le modèle de ce pickup store vient d’être ouvert à Ermont Eaubonne. Communément appelé, dans toutes les études de logistique urbaine, par le nom générique de « bureau de ville », ce pickup store a pour fonction principale, et non annexe comme les points relais, le retrait et la dépose des colis. En quelque sorte un bureau de poste, mais principalement destiné aux colis. Afin de rentabiliser ce concept, Pickup Service a imaginé compléter cette activité par des services de conciergerie ou de courrier. En quelque sorte un point multiservices donc le cœur est le colis.907234

Autre évolution, la consigne. Il est fort à parier que, dans les années qui viennent, la consigne remplacera partiellement ou majoritairement le point relai traditionnel, au moins dans les centres urbains et périurbains. En effet, la consigne mutualisée permet un accès 24 h 24 et évite l’attente et la recherche d’un point relais parfois éloigné. Elle permet d’expédier des colis et également de gérer le C to C, en très fort développement.

Le développement des consignes en France accuse un énorme retard par rapport à de nombreux autres pays européens, d’Europe du Nord, de l’Est ou plus proche de chez nous, par rapport à la Belgique, qui dispose de 118 points de consigne BPost. Les deux réseaux d’Abricolis et de Packcity vont probablement modifier le paysage et permettre un développement considérable de la livraison hors domicile.

La question est alors de savoir qui seront les opérateurs du dernier kilomètre dans les années qui viennent : les Postes nationales, Google express, Amazon, ou les transporteurs traditionnels ?

L’accélération récente de la guerre du dernier kilomètre entre Google express, qui dessert déjà 22 millions d’américains, et Amazon, laisse penser que les acteurs de demain ne seront pas nécessairement uniquement ceux que nous avons connus dans le passé.

Découvrir le client nécessite alors de changer de modèle. Soit les opérateurs traditionnels, postaux ou transporteurs privés sauront s’adapter à cette nouvelle donne, soit ils laisseront progressivement ce marché aux spécialistes de la relation client, les grands e-marchands

corner storeLa création du service Uber Corner Store est une initiative tout à fait intéressante à analyser qui a fait la Une des sites spécialisées ces derniers jours.

Uber propose pour le moment à Washington l’achat de produits d’un assortiment très réduit (100 produits différents) en provenance de magasins de proximité. Il s’agit d’achat de dépannage comme dans un magasin de proximité. Le prix passe après le service, qui est l’urgence. La livraison est effectuée par les livreurs Uber, professionnels ou particuliers et l’application Uber.

Cette expérience est à rapprocher de celle d’Amazon, qui dans son service Amazon Pantry, propose des produits de première nécessité ramenés au volume d’un carton. Vous achetez autant de produits, dans un assortiment réduit, jusqu’à ce que votre carton soit plein.

Ce qui est intéressant dans ces différentes initiatives, c’est qu’on sort du modèle traditionnel d’internet, qui consiste à disposer d’un choix le plus large possible de produits, à un prix le plus bas possible et un transport gratuit ou presque.

C’est le service qui est privilégié. Le transport gratuit, qui est une gageure dont la durée de vie sera nécessairement limitée, n’est pas l’argument présenté. Il s’agit là du dépannage, donc du besoin urgent, quotidien, qui a un prix. Notre magasin de dépannage est plus cher qu’un hypermarché. C’est normal et peu important pour la plupart d’entre nous puisqu’il s’agit de faibles quantités de produits.

Ce que nous apprennent ces expériences, c’est aussi qu’internet est encore un vaste terrain d’expériences ou le service, et notamment le transport du dernier kilomètre, devient le maillon principal. Le problème n’est pas le produit, qui est facile à trouver, mais la livraison. Ces expériences ne partent pas du produit, mais du besoin du consommateur. C’est donc du tout simplement du marketing.

Google shopping express, Deliv, Uber Corner Store, Uber Rush, Amazon Pantry, toutes ces idées sont fondées sur la livraison et le service à l’internaute. Aucune d’entre elle n’annonce un transport gratuit. Pour une simple raison, il a un coût. L’intégrer dans le prix du produit reviendrait à augmenter celui-ci, alors même que le consommateur accepte parfaitement un prix raisonnable du transport.

La livraison du dernier kilomètre n’a pas fini de nous surprendre par son caractère innovant.