La réunion qui s’est tenue le 13 mai à la CCIP dans le cadre des rencontres du club Entreprises La Tribune avait pour invité Jean-Louis Missika, adjoint à la Maire de Paris en charge de l’urbanisme, de l’architecture, du Grand Paris, du développement économique et de l’attractivité.

Ce débat, animé par Jean-Pierre Gonguet, avait comme sujet central La Ville Intelligente, grande ambition de Paris, pilotée par Jean-Louis Missika.

Est-ce un effet de mode ou une véritable évolution des prises de conscience, la logistique urbaine s’est trouvée au cœur du débat.

Jean-Louis Missika a défendu l’accès à l’e-commerce des commerces de proximité, mais aussi les nouvelles formes de commerce, comme les magasins éphémères (les fameux pop-up stores).

Il a annoncé une réflexion en cours sur le concept de « réinventer la Seine avec Rouen et Le Havre » et a indiqué que des annonces seraient prochainement faites sur ce sujet, qui concerne directement l’utilisation de la Seine pour la desserte de Paris.

Bonne nouvelle, Uber n’est plus l’ennemi n°1. Jean-Louis Missika a même regretté qu’une « grande compagnie de taxi », sans la nommer, n’ait pas saisi à temps l’opportunité de devancer Uber et de créer un modèle d’Uber français. Il a clairement indiqué que le rôle des pouvoirs publics  n’est pas d’empêcher l’uberisation de la société, qui est inévitable, notamment sur la distribution du dernier kilomètre, mais de fixer les règles du jeu et d’éviter les distorsions de concurrence.

Uber se lancera dans la logistique urbaine. C’est là chose acquise. Reste à savoir quand et dans quelles conditions.

Mais Jean-Louis Missika a également parlé de tous les efforts de la Ville pour développer des bonnes pratiques de logistique urbaine, la charte, les commissions de travail, le travail sur le PLU.

Il a rappelé que 3 ou 4 livraisons sur 10 concernent des livraisons à domicile et que le rôle de la Ville est notamment de rechercher, avec la RATP et la Poste, des emplacements pour des consignes, meilleure solution de gestion du dernier kilomètre BtoC.

Enfin, il a rappelé que le principal enjeu de la Logistique Urbaine est de ne plus « amboliser » la Ville.

Au travers de ce discours résolument logisticien, chose étonnante pour un élu, qui plus est sociologue, en charge de l’urbanisme, nous découvrons des points communs avec le livre que je viens de publier « La logistique urbaine – les nouveaux modes de consommation et de livraison » Editions Fyp.

livre logistique urbaine

La Logistique Urbaine ne peut plus être déconnectée de l’e-commerce. Elle doit impérativement prendre en compte l’évolution de la consommation et notamment « l’uberisation » de la société, le delivery crowdsourcing.

Le fait que les responsables politiques au plus haut niveau défendent cette idée numérique et collaborative de la logistique urbaine constitue une vraie nouveauté et interpelle.

L’objectif est bien sûr de réduire les externalités négatives dues au transport, mais il est aussi de transformer la ville, la rendre plus attractive, plus numérique, plus intelligente. Cette vision particulièrement moderne de la logistique urbaine montre la connaissance approfondie de ce sujet qui est celle de Jean-Louis Missika.

Merci pour ce discours d’optimisme, qui manque tant lorsqu’on parle d’écologie !

Le dernier kilomètre e-commerce fait face à un formidable défi.

Tout d’abord, le consommateur exige un délai de livraison plus court. Nous parlons de la livraison jour J, Heure +, voire demain en une heure ou moins, comme lorsque nous commandons une pizza.

Ce transport devra être de moins en moins cher. En effet, l’e-commerce se démocratise. Le panier moyen diminue depuis 4 ans.  Il faudra alors être imaginatif.

Le troisième élément qui influera nécessairement sur le transport B to C sera la nécessité d’agir sur la réduction des externalités négatives dues au transport.

L’histoire des transports nous montre qu’avant l’ère de l’e-commerce, de nombreuses solutions originales ont été mises en place, certaines avec succès. Prenons l’exemple du pneumatique.

Le transport par pneumatique a été inventé par un écossais, William Murdoch, dans les années 1800. Après la Grande Bretagne, Paris a été le théâtre d’expérience pour ce mode de transport révolutionnaire !

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William Murdoch, l’inventeur du transport par pneumatique

Nombreux sont les parisiens qui ont encore mémoire ce réseau de transport, qui ne s’est arrêté qu’en 1984, il y a à peine plus de 30 ans.

En 1866, l’administration des télégraphes décide de créer une ligne de tube à ciel ouvert entre la Bourse et le Grand Hôtel (Boulevard des Capucines). Il s’agit là de la première ligne commerciale de plus d’un kilomètre de long. Le réseau s’étendra progressivement et atteindra à son apogée, en 1934, pas moins de 450 kilomètres de long avec plusieurs diamètres de tubes de 65 à 300 millimètres.

En 1945, plus de 11 millions de plis ont été envoyés par ce moyen de transport.

De nombreuses infrastructures publiques ou privées de pneumatiques ont été mises en place depuis cette période, dans de nombreux pays. Le pneumatique est adapté à des plis bien évidemment, mais aussi dans certains cas à des petits colis. Un réseau d’une soixantaine de kilomètres a d’ailleurs été installé à Prague et continue de fonctionner, y compris pour des petits colis qui s’intègrent dans des tubes.

pneumatique

La vitesse du transport par pneumatique est de l’ordre de 10 mètres par seconde, soit quasiment la vitesse d’un drone !

Le pneumatique reste très largement utilisé pour le transfert d’argent ou de documents à l’intérieur d’un site. Il nécessite des installations fixes significatives, comme tout réseau de transport.

Bien sûr, son marché d’origine pour des télégrammes ou lettre a disparu. Mais une utilisation pour le transport de petits colis est-elle totalement utopique ?

Mon livre « la logistique urbaine – les nouveaux modes de consommation et de livraison », paru aux Editions FYP, retrace l’histoire des nombreux moyens de transport utilisés dans les villes au fil des siècles. Le pneumatique en fait partie.

livre logistique urbaine

La disparition de Mory, le plan social chez Gefco et maintenant la vente imprévue de Norbert Dentressange à XPO, tant d’annonces qui témoignent d’une évolution profonde et rapide du monde du transport et de la messagerie en France.

Le groupe XPO, acheteur de la forteresse Norbert Dentressangle, mérite une attention particulière. C’est en effet le spécialiste du dernier kilomètre de produits volumineux. Il y a fort à parier que ce savoir-faire, dont ne dispose pas totalement ND en France, complètera bientôt le catalogue des prestations de ce groupe. Livrer des produits électroménagers ou mobiliers à des particuliers ou à des entreprises constitue un métier bien spécifique, qui est celui de XPO, qui se présente comme le n°1 de ce secteur en Amérique du Nord. Ce segment de marché est en croissance et rares sont les intervenants qui ont développé ce savoir-faire.

Une des autres spécialités de XPO est le transport intermodal.

Petit clin d’œil de l’histoire, le génie de Norbert Dentressangle a été de miser dès 1978 sur les échanges avec la Grande Bretagne, à une époque ou peu nombreux étaient ceux qui imaginaient son ouverture rapide vers l’Europe. Le dernier kilomètre n’a pas été le fer de lance de ce groupe, qui s’est développé sur la longue distance, la messagerie palettisée, la logistique.

Mais cette annonce qui réduit encore un peu le nombre d’intervenants Français de taille internationale dans le transport de marchandises, n’est pas la seule à marquer cette semaine habituellement calme.

Cette semaine est aussi celle d’un abandon. L’Autoroute Ferroviaire Atlantique, projet soutenu par l’ancien ministre des transports Frédéric Cuvillier, qui devait relier Lille (Dourges) à Bayonne (Tarnos) avait pour objectif de participer à la transition énergétique et visait à réduire le nombre de camions sur cet axe européen majeur. L’objectif était de transporter dès 2016 pas moins de 85 000 camions par an sur cette voie ferroviaire reliant la Belgique à l’Espagne. Le matériel devait être fabriqué par l’entreprise française Lohr. Nombreux sont ceux qui croyaient en cette autoroute ferroviaire, le pendant Ouest de l’autoroute Perpignan-Luxembourg.

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Comme c’est souvent le cas lorsqu’un projet est abandonné, on met en avant des tracés inadéquats, des impacts sur la population, le coût. Quelles que soient les raisons de cet abandon, c’est sans aucun doute un signe inquiétant à quelques mois de la conférence COP 21.

Il est dommage que les projets d’infrastructure ferroviaires ayant pour objectif de réduire le nombre de camions sur nos autoroutes, et donc l’impact carbone, ne soient pas considérés comme prioritaires.

La vraie raison n’est-elle pas alors l’absence de financement, qui fait peut-être défaut après l’autre abandon, celui de l’écotaxe ?

L’exemple de la loi sur la transition énergétique nous montre, une fois de plus, que la difficulté  n’est pas de voter la loi, mais de l’appliquer. Elle nécessite en l’occurrence un courage politique, un choix d’investissements dans des infrastructures ferroviaires, des canaux, des moyens nouveaux de transport des marchandises.

C’est à ce prix que nous pourrons peut-être un jour voir le nombre de camions sur nos routes diminuer.