Le dernier kilomètre e-commerce fait face à un formidable défi.

Tout d’abord, le consommateur exige un délai de livraison plus court. Nous parlons de la livraison jour J, Heure +, voire demain en une heure ou moins, comme lorsque nous commandons une pizza.

Ce transport devra être de moins en moins cher. En effet, l’e-commerce se démocratise. Le panier moyen diminue depuis 4 ans.  Il faudra alors être imaginatif.

Le troisième élément qui influera nécessairement sur le transport B to C sera la nécessité d’agir sur la réduction des externalités négatives dues au transport.

L’histoire des transports nous montre qu’avant l’ère de l’e-commerce, de nombreuses solutions originales ont été mises en place, certaines avec succès. Prenons l’exemple du pneumatique.

Le transport par pneumatique a été inventé par un écossais, William Murdoch, dans les années 1800. Après la Grande Bretagne, Paris a été le théâtre d’expérience pour ce mode de transport révolutionnaire !

William_Murdoch_(1754-1839)

William Murdoch, l’inventeur du transport par pneumatique

Nombreux sont les parisiens qui ont encore mémoire ce réseau de transport, qui ne s’est arrêté qu’en 1984, il y a à peine plus de 30 ans.

En 1866, l’administration des télégraphes décide de créer une ligne de tube à ciel ouvert entre la Bourse et le Grand Hôtel (Boulevard des Capucines). Il s’agit là de la première ligne commerciale de plus d’un kilomètre de long. Le réseau s’étendra progressivement et atteindra à son apogée, en 1934, pas moins de 450 kilomètres de long avec plusieurs diamètres de tubes de 65 à 300 millimètres.

En 1945, plus de 11 millions de plis ont été envoyés par ce moyen de transport.

De nombreuses infrastructures publiques ou privées de pneumatiques ont été mises en place depuis cette période, dans de nombreux pays. Le pneumatique est adapté à des plis bien évidemment, mais aussi dans certains cas à des petits colis. Un réseau d’une soixantaine de kilomètres a d’ailleurs été installé à Prague et continue de fonctionner, y compris pour des petits colis qui s’intègrent dans des tubes.

pneumatique

La vitesse du transport par pneumatique est de l’ordre de 10 mètres par seconde, soit quasiment la vitesse d’un drone !

Le pneumatique reste très largement utilisé pour le transfert d’argent ou de documents à l’intérieur d’un site. Il nécessite des installations fixes significatives, comme tout réseau de transport.

Bien sûr, son marché d’origine pour des télégrammes ou lettre a disparu. Mais une utilisation pour le transport de petits colis est-elle totalement utopique ?

Mon livre « la logistique urbaine – les nouveaux modes de consommation et de livraison », paru aux Editions FYP, retrace l’histoire des nombreux moyens de transport utilisés dans les villes au fil des siècles. Le pneumatique en fait partie.

livre logistique urbaine

La disparition de Mory, le plan social chez Gefco et maintenant la vente imprévue de Norbert Dentressange à XPO, tant d’annonces qui témoignent d’une évolution profonde et rapide du monde du transport et de la messagerie en France.

Le groupe XPO, acheteur de la forteresse Norbert Dentressangle, mérite une attention particulière. C’est en effet le spécialiste du dernier kilomètre de produits volumineux. Il y a fort à parier que ce savoir-faire, dont ne dispose pas totalement ND en France, complètera bientôt le catalogue des prestations de ce groupe. Livrer des produits électroménagers ou mobiliers à des particuliers ou à des entreprises constitue un métier bien spécifique, qui est celui de XPO, qui se présente comme le n°1 de ce secteur en Amérique du Nord. Ce segment de marché est en croissance et rares sont les intervenants qui ont développé ce savoir-faire.

Une des autres spécialités de XPO est le transport intermodal.

Petit clin d’œil de l’histoire, le génie de Norbert Dentressangle a été de miser dès 1978 sur les échanges avec la Grande Bretagne, à une époque ou peu nombreux étaient ceux qui imaginaient son ouverture rapide vers l’Europe. Le dernier kilomètre n’a pas été le fer de lance de ce groupe, qui s’est développé sur la longue distance, la messagerie palettisée, la logistique.

Mais cette annonce qui réduit encore un peu le nombre d’intervenants Français de taille internationale dans le transport de marchandises, n’est pas la seule à marquer cette semaine habituellement calme.

Cette semaine est aussi celle d’un abandon. L’Autoroute Ferroviaire Atlantique, projet soutenu par l’ancien ministre des transports Frédéric Cuvillier, qui devait relier Lille (Dourges) à Bayonne (Tarnos) avait pour objectif de participer à la transition énergétique et visait à réduire le nombre de camions sur cet axe européen majeur. L’objectif était de transporter dès 2016 pas moins de 85 000 camions par an sur cette voie ferroviaire reliant la Belgique à l’Espagne. Le matériel devait être fabriqué par l’entreprise française Lohr. Nombreux sont ceux qui croyaient en cette autoroute ferroviaire, le pendant Ouest de l’autoroute Perpignan-Luxembourg.

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Comme c’est souvent le cas lorsqu’un projet est abandonné, on met en avant des tracés inadéquats, des impacts sur la population, le coût. Quelles que soient les raisons de cet abandon, c’est sans aucun doute un signe inquiétant à quelques mois de la conférence COP 21.

Il est dommage que les projets d’infrastructure ferroviaires ayant pour objectif de réduire le nombre de camions sur nos autoroutes, et donc l’impact carbone, ne soient pas considérés comme prioritaires.

La vraie raison n’est-elle pas alors l’absence de financement, qui fait peut-être défaut après l’autre abandon, celui de l’écotaxe ?

L’exemple de la loi sur la transition énergétique nous montre, une fois de plus, que la difficulté  n’est pas de voter la loi, mais de l’appliquer. Elle nécessite en l’occurrence un courage politique, un choix d’investissements dans des infrastructures ferroviaires, des canaux, des moyens nouveaux de transport des marchandises.

C’est à ce prix que nous pourrons peut-être un jour voir le nombre de camions sur nos routes diminuer.

Nous découvrons depuis quelques jours les images du tout nouveau site logistique de Vente-Privée réalisé par Jean-Michel Wilmotte à Beaune. Confier à un des plus grands architectes français la réalisation d’un entrepôt, c’est là un pari bien audacieux. En effet, une plate-forme logistique, qui plus est pour le stockage de vin, est soumise à des contraintes réglementaires et économiques qui laissent peu de place à l’art et à l’imagination architecturale.

La réalisation de la toute nouvelle Philharmonie de Paris et son dépassement budgétaire pharaonique sont là pour nous rappeler que la beauté architecturale est souvent confrontée à des difficultés techniques et économiques difficilement maîtrisées.

Un entrepôt peut-il être un bel objet ? Peut-on admirer un entrepôt comme un musée ou une salle de concert ? Se déplacerons-nous un jour du monde entier pour visiter un site logistique à l’instar de fondation Louis Vuitton ?

Les réponses ne sont pas simples quand on connait les contraintes réglementaires et d’exploitation  imposées dans la logistique. L’essentiel des données d’une plate-forme logistique sont parfaitement codifiées et presque immuables : la hauteur, la profondeur, les portes, les aires d’accostage, les normes incendie…Une plate-forme logistique est devenue un outil standardisé avec un coût maîtrisé laissant très peu de place possible aux apports architecturaux et à l’imaginaire.

Pourtant, Jean-Michel Wilmotte nous montre tout le contraire.

En examinant le site web de Jean-Michel Wilmotte, nous trouvons 15 rubriques de références. La logistique n’existe pas. Ou pas encore… Par contre, nous trouvons des sujets assez proches comme des chais de vinification de grands crus.

Le travail des lignes et des couleurs de l’entrepôt de Beaune (le fameux rose de Vente-Privée) ne laisse pas indifférent. Un bardage peut être habillé, transformé, c’est ce que nous montre Jean-Michel Wilmotte.

Si l’on regarde l’histoire de l’immobilier logistique, ce n’est pas la première fois qu’un grand architecte s’intéresse à l’entrepôt.

Bernard Zehrfuss, architecte du CNIT, mais aussi des bâtiments de l’Unesco, a réalisé le premier bâtiment de Garonor dès les années 1960. Souhaitons que les projets de transformation de Garonor ne mettent pas en péril ce très intéressant témoin du passé architectural industriel français.

L’architecte Roger Taillibert, notamment connu pour des installations sportives comme le stade de Montréal ou le Parc des Princes, s’est également intéressé à la logistique. Il a notamment réalisé le centre de distribution Pierre Fabre d’Ussel.

Plus récemment, Sogaris a confié à Franck Hammoutène la réalisation d’un quai de messagerie à Créteil.

Jean-Michel Wilmotte poursuit donc cette lignée de grands architectes qui considèrent qu’un entrepôt n’est pas une « boîte à chaussures » mais un outil industriel, qui peut avoir une couleur, une image individuelle, une intégration particulière dans son environnement.

Souhaitons que les grands architectes français continuent à nous montrer l’exemple en s’intéressant à l’amélioration des produits d’immobilier logistique qui marquent de plus en plus le territoire.

Mon livre « La logistique urbaine – les nouveaux modes de livraison et de consommation » paru aux Editions Fyp évoque l’histoire des grandes gares routières et l’implication de très grands architectes.

livre logistique urbaine