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L’exposition en cours au Musée de la Marine, de l’amphore au conteneur, est très logistique et nous apporte un moment de recul par rapport aux problématiques actuelles de transport. De l’amphore au conteneur.

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Elle nous expose l’évolution dans l’histoire des contenants pour le transport maritime. Les amphores bien sûr, mais aussi les balles pour le coton, les sacs de jute pour le café ou cacao, les tonneaux pour le vin et l’histoire du conteneur, inventé en 1956 par l’américain Malcolm Mac Lean.

Au travers de l’histoire du contenant apparaît l’histoire de la consommation. Produits liquides comme les huiles, le vin ou la saumure, transportées dans des amphores, épices et produits des indes transportés dans des sacs ou des caisses, coton transporté en balles, autant d’exemples montrant que consommation et transport maritime sont intimement liés.

L’évolution du contenant suit également l’évolution des techniques et de l’économie. Les navires évoluent, leur fiabilité, leur régularité.

Des flux apparaissent puis disparaissent comme celui, longuement exposé, du vin d’Algérie.

Le point commun est le contenant, ou l’absence de contenant, en l’occurrence le vrac, le navire faisant lui-même l’objet de contenant. Nous sommes alors dans le flux logistique optimisé à l’extrême. Plus d’emballage, plus de perte de volume, plus de coût de conditionnement.

Nous avons récemment vu apparaître certains magasins vendant des produits sans emballage, notamment à Berlin dans le quartier de Kreutzberg – original Unverpackt-, donc en vrac, comme nous le voyons dans les magasins bio pour les céréales ou fruits secs. Cette tendance d’amélioration des coûts et de la chaîne environnementale ne fait probablement que commencer.

magasin Original Unverpackt de Berlin

magasin Original Unverpackt de Berlin

Mais une des plus remarquables initiatives de logistique urbaine a récemment été mise en place en Belgique. Une initiative de livraison urbaine sans contenant ni camion.

Comment est-ce possible ? Comment un produit peut être acheminé au centre d’une ville sans contenant ?

La Halve Maan Brewery a ouvert en 2010 une usine d’embouteillage en dehors de Bruges. Ayant une brasserie historique au centre de la ville, se posait le problème du flux entre les deux sites afin de relier production et consommation. Des camions pour relier quotidiennement les 5 kilomètres existant entre ces deux sites ? Un tramfret ? des conteneurs ? Un bateau, qui pourrait aisément circuler sur l’un des nombreux canaux de la ville historique ?

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La solution choisie en commun avec la ville de Bruges a été plus simple et remarquablement pertinente : le pipeline souterrain. Un pipeline a donc été réalisé entre les deux sites. Ce tuyau en polyéthylène de près de 3 kilomètres a une capacité de 6000 litres par heure et permet d’acheminer au centre de la ville la bière produite sur un site périphérique en 15 à 20 minutes seulement.

Une prouesse environnementale et pourtant simple à imaginer.

Un exemple montrant que la logistique urbaine est d’abord une décision alliant opérateur privé et collectivité locale.

Reste alors à réinventer la livraison en amphores !

Les dernières évolutions concernant la livraison e-commerce montrent une prise en compte nouvelle du consommateur.

C’est là une bonne nouvelle. Il n’est plus le « grand oublié » du dernier kilomètre. Il a le droit de choisir et on ne lui impose plus de rester chez lui une journée afin de recevoir un colis, ou de passer son samedi matin à essayer de récupérer son achat.

Il a aujourd’hui de plus en plus le droit de choisir entre un délai, un rendez-vous ou un retrait lui-même de son achat.

Concernant le délai, nous apprenons avec plaisir que les deux start up françaises, Colisweb et Deliver.ee, viennent de réussir leur levée de fonds. Ces deux start ups sont positionnées sur un créneau de temps : livrer en moins de deux heures 10 métropoles françaises et demain un territoire encore plus large. Pour cela, le produit doit être dans un magasin de la ville, qui sert alors d’entrepôt pour l’occasion. La réussite de ce modèle tient sur l’application mobile, qui permet de géolocaliser une flotte de coursiers et de gérer au mieux cette flotte. Ainsi, ce mode de transport, le ship-from-store, révolutionne le métier du coursier, à l’instar d’Uber, qui modifie celui du taxi.

Le retrait du colis par le client est en train de changer. En effet, en complément des points relais traditionnels, qui datent des années 1980, apparaissent de nouveaux modèles tout à fait intéressants.

A titre d’exemple, Casino lance le développement de points relais express, notamment pour les produits encombrants. En effet, Casino constate que la majorité des internautes préfèrent retirer eux-mêmes leur produit électroménager et bénéficier d’un prix de livraison réduit ou gratuit. La livraison à deux personnes avec installation est un créneau en développement, mais qui ne correspond qu’à une part minoritaire de la demande.

Pickup service, filiale de Geopost (groupe La Poste) vient d’imaginer le point retrait de demain, génération suivante après le point relais commerce des années 1980. Le modèle de ce pickup store vient d’être ouvert à Ermont Eaubonne. Communément appelé, dans toutes les études de logistique urbaine, par le nom générique de « bureau de ville », ce pickup store a pour fonction principale, et non annexe comme les points relais, le retrait et la dépose des colis. En quelque sorte un bureau de poste, mais principalement destiné aux colis. Afin de rentabiliser ce concept, Pickup Service a imaginé compléter cette activité par des services de conciergerie ou de courrier. En quelque sorte un point multiservices donc le cœur est le colis.907234

Autre évolution, la consigne. Il est fort à parier que, dans les années qui viennent, la consigne remplacera partiellement ou majoritairement le point relai traditionnel, au moins dans les centres urbains et périurbains. En effet, la consigne mutualisée permet un accès 24 h 24 et évite l’attente et la recherche d’un point relais parfois éloigné. Elle permet d’expédier des colis et également de gérer le C to C, en très fort développement.

Le développement des consignes en France accuse un énorme retard par rapport à de nombreux autres pays européens, d’Europe du Nord, de l’Est ou plus proche de chez nous, par rapport à la Belgique, qui dispose de 118 points de consigne BPost. Les deux réseaux d’Abricolis et de Packcity vont probablement modifier le paysage et permettre un développement considérable de la livraison hors domicile.

La question est alors de savoir qui seront les opérateurs du dernier kilomètre dans les années qui viennent : les Postes nationales, Google express, Amazon, ou les transporteurs traditionnels ?

L’accélération récente de la guerre du dernier kilomètre entre Google express, qui dessert déjà 22 millions d’américains, et Amazon, laisse penser que les acteurs de demain ne seront pas nécessairement uniquement ceux que nous avons connus dans le passé.

Découvrir le client nécessite alors de changer de modèle. Soit les opérateurs traditionnels, postaux ou transporteurs privés sauront s’adapter à cette nouvelle donne, soit ils laisseront progressivement ce marché aux spécialistes de la relation client, les grands e-marchands

DSC_0171[1]Il y a 100 ans, la France comptait 40 000 kms de voies ferrées exploitées. Le réseau est aujourd’hui de 29 000 kms seulement, ceci en comptant toutes les constructions récentes. Ce plan de développement du réseau avait un nom, celui de Charles de Freycinet.

Charles de Freycinet

Charles de Freycinet

Ministre des travaux publics pendant seulement 2 ans, Freycinet a laissé son nom au fameux gabarit. En effet, c’est lui qui a décidé de moderniser le réseau de canaux en France en créant une norme pour les écluses et en imposant un gabarit homogène. Le sas d’écluse fait 39 mètres par 5,20 m de large. Ainsi, les barges de 300 tonnes et 1,80 à 2,20 m de tirant d’eau peuvent circuler sur le réseau.

Visionnaire, le plan Freycinet pour le réseau ferré était fondé sur un principe, l’équité des territoires devant le développement technologique. Le but était de désenclaver par l’apport du chemin de fer les régions les plus éloignées. Chaque sous-préfecture de France devait avoir sa gare. Le plan fut mis en œuvre jusqu’à la sous-préfecture la plus éloignée, à trois exceptions près, Sartène, Barcelonnette et Castellane. L’Etat impose ainsi aux compagnies privées la construction de 11 000 km de lignes nouvelles.

Cette desserte du territoire par le chemin de fer a un coût considérable. On découvre à l’époque l’absence totale de rentabilité de desservir des campagnes et petites villes du territoire. Progressivement, sous l’effet de la concurrence de la route, dont les infrastructures sont gratuites pour l’usager, les lignes sont fermées, ce à partir de 1938.

Pendant cette période estivale et ce week-end de chassé-croisé entre juilletistes et aoutiens, nous voyons des autoroutes bondées et profitons de la découverte de notre beau pays, traversé par des infrastructures d’une autre époque, celle du ferroviaire et du fluvial, abandonnées ou désespérément vides.

Evidemment, Freycinet n’était pas un bon gestionnaire. Investir dans des infrastructures structurellement déficitaires n’est pas un bon choix de gestionnaire. Cependant, rendons-lui hommage en mettant en avant ce qui nous manque aujourd’hui en France, une vaste politique d’infrastructures. Une politique énergétique dans le domaine des transports passe nécessairement par un investissement dans les infrastructures. Que ce soit la mise aux normes de notre réseau ferré, la construction du canal Seine Nord ou la construction de terminaux combinés, nous n’échapperons pas aux infrastructures pour développer une véritable politique de transfert dans le domaine des marchandises.

Si nous ne voulons pas aller vers une écologie punitive comme le font nos voisins britanniques, nous devrons nécessairement investir dans des infrastructures qui permettent un transfert énergétique sans perte d’efficacité. C’est ce qui avait été prévu et qui n’a pas appliqué dans le Grenelle de l’Environnement. Le projet de loi actuel ne prévoit rien dans ce sens, faute probablement de moyens de l’Etat. L’écotaxe était une réponse mais elle a été abandonnée au trois-quarts.

Là où Freycinet avait raison, c’est qu’un enjeu, à l’époque de desserte des campagnes et aujourd’hui de transfert énergétique, ne doit pas toujours faire l’objet d’un raisonnement de rentabilité à court terme. Dans l’enjeu actuel de transfert énergétique, c’est la santé des habitants qui est en question. Punitive ou positive, l’écologie a surtout besoin de pragmatisme et de volontarisme politique, tant pour le transport des marchandises en transit sur notre territoire, que pour la logistique urbaine.