Archive d’étiquettes pour : logistique urbaine

Ce blog a déjà parlé à plusieurs reprises du problème essentiel des centres villes en France ou en Belgique et de leur désertification. Le récent livre d’Olivier Razemon « Comment la France a tué ses villes » explique ce phénomène, ses origines et ses conséquences notamment politiques.

A l’initiative de l’Association des Petites Villes de France (APVF), les candidats sont invités à se prononcer sur les mesures qu’ils envisagent de prendre afin d’enrayer ce phénomène, qui dépasse très largement le sujet du commerce. Il touche au mode d’habitat, de déplacements et à la politique publique de développement des zones périphériques. L’APVF vient de publier un manifeste proposant 17 axes de travail. Dans un de ces chapitres dénommé « la revitalisation des centres-bourgs, une politique globale », l’APVF propose de  » de mobiliser tous les acteurs du centre-ville dans le cadre d’une gouvernance partagée, afin de mieux coordonner les interventions, mettre en valeur l’offre commerciale existante, organiser des animations, ou encore créer des services pour l’ensemble des commerçants d’un secteur (plateforme internet, logistique urbaine, livraison…)  » . La logistique urbaine est donc dans la campagne !

Pour choisir un exemple des problématique des petites et moyennes villes, nous allons nous arrêter dans une agréable ville de près de 10 000 habitants du cœur de l’Hérault, Clermont l’Hérault, et tenter d’expliquer ce phénomène. Clermont l’Hérault vit au rythme de son marché, le plus ancien du Languedoc, qui étale ses nombreux producteurs et commerçants tous les mercredis matin dans l’ensemble du centre-ville. Une magnifique expérience et un lieu prisé des touristes en période estivale.

Mais cette jolie ville de l’Hérault n’en est pas moins une ville déserte. La rue centrale se vide progressivement de ses commerces. les commerces de vêtement meurent tout doucement, comme les fromagers, les épiciers ou opticiens.

  

  

  

 

Depuis plusieurs années, le centre-ville est progressivement déplacé vers un second centre-ville, à quelques kilomètres seulement, la zone des Tannes-Basses. Sous prétexte de créations d’emplois, qui ne sont en fait que des transferts, une immense zone multi-commerces, qui n’a rien d’artisanale, a été créée à l’entrée de la ville. On y trouve logiquement un supermarché et sa galerie marchande, les nombreuses enseignes de vêtements, de bricolage et de sport auxquelles nous sommes habitués, mais surtout des activités que l’on retrouve habituellement dans un centre- ville : boulangerie, notaire, banque, dentiste, boucherie, fleuriste.

   

Cet exemple, que nous pouvons retrouver dans de nombreuses villes françaises, montre que le choix a été fait de créer une seconde centralité, en concurrence avec le centre-ville historique, mais totalement et uniquement accessible en voiture. Les habitants des différentes localités et lotissements de la région peuvent ainsi effectuer la totalité de leurs achats sans avoir à aller au centre-ville, qui n’offre des facilités nécessaires qu’au travers de commerçants ambulants le mercredi matin…

Non loin de là, l’urbanisation a encore marquée la région avec la toute nouvelle zone logistique de la Salamane, qui ne rassemble en fait que 2 entreprises, un entrepôt régional de la centrale d’achat U, totalement isolé des autres zones logistiques de la région et un drive Leclerc, un des 3000 drives français.

 

Olivier Razemon nous explique que le responsable de la désertification des centres villes n’est pas l’e-commerce, qui ne représente aujourd’hui, malgré sa croissance, que 6,6% de la consommation. Le responsable est certainement la politique publique qui a permis le développement de ces zones périphériques au détriment de la ville historique. C’est aussi le consommateur, qui fait le choix d’éviter d’aller au centre-ville. Une des conséquences sur le plan logistique est l’étalement des flux, comme l’étalement des populations. Un centre-ville permet de mettre en place une concentration géographique des flux de personnes et de marchandises , ainsi qu’une proximité des habitants, qui peuvent alors s’y approvisionner à pied ou être livrés par des moyens simples. Une zone périphérique nécessite un approvisionnement en poids lourds, une mobilité en voiture et de lourdes et coûteuses infrastructures.

Un des enjeux des prochaines années sera de trouver le moyen, notamment par une politique fiscale, de faire revenir ce notaire, cette boulangerie, ce boucher ou ce fleuriste là où leur fonction première les attend, le centre-ville…

La logistique urbaine est un terrain d’expériences pour nombre d’entreprises. Groupes de distribution, start-ups, groupes de transport et de logistique, collectivités locales. Chacun pense avoir trouvé la bonne idée. Celle qui permettra d’améliorer sensiblement les flux de camions dans les villes, de réduire les embouteillages, la pollution dont nous savons le transport de marchandises en partie responsable.

Pourtant, nombre de ces expériences s’arrêtent, souvent après un an ou deux, parfois plus. C’est ainsi le cas de l’approvisionnement par train mis en place il y a 9 ans par Monoprix. Il permettait tous les jours de réduire le nombre de camions entrant dans la zone dense urbaine parisienne, donc les embouteillages et les externalités négatives générées par ces embouteillages. Il était affiché comme une des plus belles réussites de logistique urbaine. Il s’est arrêté le 31 décembre 2016.

Autre arrêt, celui de City Logistics à Lyon. Considéré par les spécialistes comme le Centre de Distribution Urbaine le plus performant en France, d’initiative privée, il s’est également arrêté en décembre faute d’équilibre économique.

Encore un arrêt, celui des Pickup Store. Ils étaient reconnus comme un des modèles permettant une massification des flux de colis à des emplacements stratégiques, dans les gares. La Poste avait mis en place 3 de ces espaces, avec des efforts de communication importants et une inauguration par le Premier Ministre de l’époque. Le site internet mentionne de façon laconique qu’après 2 ans de tests, la Poste met un terme à l’expérimentation.

Pickup Store Gare Saint-Lazare

Ces trois expériences ne constituent que la suite d’une longue liste comprenant la barge Vert Chez Vous, l’expérience La Tournée à Paris, certains ELU à Paris et de nombreux CDU à l’étranger, notamment en Allemagne. D’autres initiatives publiques ou privées semblent fragiles, dépendant largement d’aides publiques de plus en plus rares.

Pourtant, la Logistique Urbaine fait l’objet de toutes les attentions : incubateurs, colloques, renforcement des réglementations, chartes, aides publiques. Les occasions ne manquent pas pour rappeler la responsabilité des chargeurs et des transporteurs. Les start-ups et initiatives locales n’ont jamais été aussi nombreuses. Quelles sont alors les critères de réussite ou d’échec d’un projet ?

Bien sûr, chaque cas est différent mais certains points communs méritent d’être mis en évidence.

L’intérêt environnemental d’une expérience ou d’un projet n’est pas suffisant pour en assurer la pérennité. Les réglementations urbaines sont parfois peu restrictives, pas toujours incitatives et trop souvent mal appliquées.

La pérennité d’un modèle tient sur 3 éléments qui constituent les fondements de tout projet de logistique urbaine :

  • Il doit être équilibré financièrement sans aide publique. Les aides parfois accordées ne sont que provisoires. Il doit donc correspondre à un modèle économique viable dans un milieu concurrentiel.
  • Il doit permettre d’améliorer le service demandé par le client, entreprise ou particulier. Dans la période actuelle, le service est basé sur l’information, l’accélération des flux (et pas leur ralentissement) et le prix. L’argument environnemental doit alors faire partie d’un tout, qui comprend la qualité de service et son amélioration par rapport à la situation précédente.
  • Il doit s’inscrire dans un cadre réglementaire incitatif lui garantissant une pérennité par rapport aux modèles de distribution traditionnels. Si une initiative volontaire pertinente sur le plan environnement et du service est mise en place, et si, en parallèle, les solutions traditionnelles peuvent continuer à fonctionner sans aucune contrainte, alors le projet nouveau aura du mal à exister sur la durée.

La pérennité d’un modèle de logistique urbaine tient beaucoup du niveau d’engagement de l’entreprise, de sa politique de développement durable sur le long terme, de ses priorités. La compréhension des enjeux de la logistique urbaine auprès des directions RSE et des directions générales est alors un des éléments pouvant favoriser la pérennité des solutions expérimentées.

Un candidat à l’élection présidentielle a récemment proposé de taxer les robots. Cette idée vient du principe, notamment mis en exergue par une étude de l’Université d’Oxford, que 47% des emplois seraient automatisables d’ici 20 ans.

La logistique, et probablement la logistique urbaine, comme d’autres secteurs de l’économie (caisses de supermarchés par exemple) sont directement concernée par cette mesure.

L’automatisation dans les entrepôts n’est pas nouvelle. Les transtockeurs à palettes existent depuis les années 1980, comme les chaînes de mécanisation de tri de colis.

La machine elle-même est significative de progrès technologique, gain de productivité et baisse des coûts de production, amélioration de la qualité et surtout baisse des risques dus au travail physique et à la pénibilité. Depuis le 19ème siècle, la machine remplace l’homme dans des tâches industrielles nombreuses.

La robotisation ne serait-elle que la continuité de cette tendance qui nous vient de la révolution industrielle ? La France est-elle un pays plus favorable que d’autres pour un développement de la robotisation ? Nous allons essayer de donner quelques pistes de réflexion pour le sujet qui nous concerne.

La robotisation (nous ne parlons plus d’automatisation et encore moins de mécanisation), apparaît dans la logistique avec notamment plusieurs orientations.

Tout d’abord, les entrepôts automatisés (les transtockeurs) ont vu leur champ d’action passer de la gestion des palettes à la préparation de commandes au colis. Ainsi, les entrepôts robotisés de E. Leclerc ou Intermarché, avec des technologies comme celles de Witron ou Vanderlande, constituent une évolution majeure dans la logistique. Gains de productivité, meilleur utilisation de l’espace, mais évidemment moins d’emplois.

Autre exemple dans la logistique e-commerce. La technologie « goods-to-man » qui permet au préparateur de rester à poste fixe et à l’étagère de stockage de se déplacer vers l’opérateur, constitue une évolution (et peut-être une révolution) dans le fonctionnement d’un entrepôt. Cette technologie est massivement développée par Amazon, qui a acquis le concepteur de ces robots, Kiva systems, transformé en Amazon robotics. Amazon mentionne clairement que son objectif est d’abord de réduire le coût de préparation de commandes dans un secteur en très forte croissance. La société française Scallog propose des solutions équivalentes, mises en place dans plusieurs sites logistiques.

Sur le plan de la livraison, nous assistons à l’émergence des véhicules autonomes (donc robotisés), des robots-droides de livraison de colis, des drones. Il s’agit là de robotiser le travail de transport d’un colis et d’acheminement au consommateur. Nous parlons d’émergence car nul ne sait encore quelles en seront toutes les applications et quelle sera la portée de ces technologies sur le métier de la livraison.

Ces quelques exemples montrent que, bien sûr, les robots trouvent en France un terreau favorable, du fait du coût de la main d’œuvre peut-être plus élevé que dans de nombreux pays.

Mais la robotisation est aussi accélérée par la réglementation sur la pénibilité du travail. Amazon, car c’est lui qui était visé, bien que ce fait concerne l’ensemble des entrepôts e-commerce, était par exemple accusé d’accentuer la pénibilité du travail en « forçant » ses préparateurs de commande à marcher 10, 12 kilomètres par jour, voire plus.

La robotisation produit plusieurs effets comme l’a été la mécanisation dans le passé :

  • Réduire la pénibilité du travail
  • Réduire l’emploi dans des tâches primaires et répétitives
  • Réduire les coûts de production
  • Améliorer le niveau de qualité et de régularité du travail

Cela s’appelle probablement le progrès technologique. Taxer le progrès reviendra probablement à accélérer la délocalisation vers des pays qui non seulement l’acceptent, mais l’encouragent.

Une autre option, et c’est celle-ci que ce blog soutient, est non seulement de ne pas taxer la robotisation, mais d’encourager les start-ups qui développent des concepts de robotisation, de les aider, de les accueillir, afin que la robotisation devienne une filière française, et pas seulement allemande, américaine ou chinoise. Il s’agit là d’un énorme champ d’opportunités dans un marché qu’une simple taxe n’arrêtera pas. Le progrès n’a jamais été freiné par l’impôt.