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L’avant-projet de loi d’orientation des mobilités vient d’être transmis au Conseil d’Etat. Logicités s’est procuré ce projet et l’a analysé, pour les sujets concernant la mobilité des marchandises.

Le titre 1 de cette loi « AMÉLIORER LA GOUVERNANCE DES MOBILITÉS POUR MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS QUOTIDIENS DES CITOYENS, DES TERRITOIRES ET DES ENTREPRISES » intègre de nombreuses modifications de textes légaux, touchant essentiellement à la mobilité des personnes. Un élément, certes non contraignant, est une modification d’un article du code de l’urbanisme permettant aux collectivités locales de « délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels la réalisation d’équipements logistique est nécessaire et définir, le cas échéant, la nature de ces équipements ainsi que les prescriptions permettant d’assurer cet objectif ».

Le titre 2 « REUSSIR LA REVOLUTION NUMERIQUE DANS LES MOBILITES » a pour objectif d’encourager les innovations en matière de mobilité, de favoriser les expérimentations et réguler les nouvelles formes de mobilité. Une disposition importante prévue dans ce projet concerne la possibilité pour les collectivités locales de réserver certaines voies ou certaines portions de voies communales, de façon temporaire ou permanente, à diverses catégories d’usagers, de véhicules ou à certaines modalités de transport. Cette disposition ouvrirait ainsi des perspectives à un meilleur partage de la voirie.

Le titre 3 « DEVELOPPER LES MOBILITES PROPRES ET ACTIVES » parle essentiellement d’un sujet important, consistant à réserver des espaces de stationnement vélo lors des aménagements et projets immobiliers. L’article 22 mentionne le changement de vocabulaire. Nous ne parlerons plus de Zone à Circulation Restreinte mais de Zone à Faibles Emissions. Ces zones deviennent obligatoires lorsque les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées de manière régulière.

C’est dans le titre de 4 de cette loi, « SIMPLIFICATION ET MESURES DIVERSES » qu’apparaissent diverses mesures visant à améliorer la compétitivité du transport maritime, fluvial et ferroviaire. Il est notamment prévu que « L’Etat peut instaurer un dispositif visant à prendre en charge une part des coûts de l’utilisation de l’infrastructure ferroviaire par des opérateurs de service de transport de fret, permettant de favoriser ce mode de transport par rapport à d’autres modes qui présentent des externalités négatives plus importantes, tel que le transport routier de marchandises ».

Bien sûr, cette analyse reste partielle et le document n’est que provisoire. Le document disponible ne prévoit en tout cas que bien peu d’éléments concernant la logistique urbaine et, s’il s’agit du document complet, les professionnels qui se sont engagés dans les assises de la mobilité ne peuvent être qu’un peu déçus. Peut-être y a-t-il une autre version du document ou d’autres chapitres de cette loi qui ne sont pas encore apparus.

Alors attendons la suite de cette loi tant attendue, qui doit théoriquement intégrer des dispositions fortes concernant la logistique urbaine.

Quelques faits majeurs ont marqué cet été 2018 pour ce qui concerne la mobilité

Tout d’abord, la fin de Foodora en France, le 28 septembre prochain, interpelle. C’est d’abord une mauvaise nouvelle pour les 1500 coursiers répartis sur 8 villes, qui avaient misé sur cette plateforme. Cela reste bien sûr une bonne nouvelle pour ses concurrents, notamment Deliveroo et Uber Eats, de moins en moins nombreux et peut-être aussi pour l’image que l’on se fait de la ville et du dernier kilomètre. Pour nombre de spécialistes, ce n’est en tout cas pas une surprise. Le modèle économique de la livraison de repas en partant des restaurants est très compliqué. Ces plateformes vivent alors de levées de fonds, qui finissent pas décourager les actionnaires, même les plus téméraires. La variable d’ajustement est le prix de la course versé au livreur. La raréfaction des livreurs dans certaines villes a encore accentué les difficultés de Foodora. Avec un chiffre d’affaires de 6 millions € et des pertes de 10 millions €, l’équation était complexe.

 

Autre événement de l’été, l’ouverture sans inauguration de la nouvelle gare TGV de Montpellier. Echec annoncé, cette gare dont le coût est de 135 millions €, ne correspondait pas à un besoin, la gare actuelle venant tout juste d’être agrandie et modernisée. Elle correspond à un modèle d’il y a 30 ans, les gares loin des villes, accessibles en voiture. La mobilité nécessite de recentrer les déplacements sur des pôles d’échange, TGV, TER, autocars régionaux et transports en communs urbains, autocars interurbains. La ministre Elisabeth Borne l’a bien compris, en refusant d’inaugurer cette gare qui va à l’encontre des modèles porteurs de valeurs environnementales. Cet investissement critiquable dans une période de restrictions budgétaires, a fait les choux gras du Canard Enchaîné, qui dénonce la « gare égarée ».

La logistique urbaine a été marquée par les annonces du 20 juillet 2018. Les Zones à Faible Emission (nouveau nom des Zones à Circulation Restreinte) se développeront dans les grandes agglomérations françaises et la ministre Elisabeth Borne a fait l’annonce de l’intégration de la logistique urbaine dans la loi d’orientation des mobilités. Elisabeth Borne a également annoncé que le co-transportage de colis pourra se développer dans un cadre adapté. Nous attendons tous avec impatience cette loi fixant alors des orientations qui découlent des Assises de la Mobilité. L’impact environnemental du transport de marchandises nécessite d’être réduit et mieux maîtrisé, tout en accompagnant l’évolution des flux. Les solutions existent, de consolidation des flux, d’un meilleur partage des infrastructures, véhicules et espaces publics, de transition énergétique, de développement de la cyclologistique.

Une mauvaise nouvelle qui nous est parvenue il y a quelques jours seulement concernant la logistique urbaine, la suspension du service Bluedistrib. Remarquable modèle basé sur des consignes de proximité, Bluedistrib utilisait pour ses consignes parisiennes les bulles Autolib. L’arrêt d’Autolib a notamment eu pour conséquence de retirer ces emplacements au service Bluedistrib. Bluedistrib recherche d’autres solutions afin de remettre en service son réseau parisien de consignes au plus vite. Espérons que cet arrêt ne soit que temporaire et que ce « nouveau mode de ville » retrouve son élan.

Parmi les annonces de l’été, la démission de Nicolas Hulot n’a échappé à personne. Là aussi, ni une bonne ni une mauvaise nouvelle, mais en tout cas pas une surprise ! La mission était-elle impossible ? Le personnage n’était-il pas fait pour être ministre ? Ce blog a d’ailleurs écrit sur ce sujet et les difficultés rencontrées par Nicolas Hulot, pourtant disposant de très larges pouvoirs. Ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour tous ceux qui attendaient beaucoup de ce militant porteur de messages forts et justifiés. Mais, contrairement à ce que nous entendons, son bilan ne restera pas dans l’histoire. Certes, sa principale action a été l’arrêt du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes. On peut aussi citer son action pour réduire la part du diesel, mais est-ce suffisant ? La France ne respecte pas ses engagements pris lors de l’accord de Paris et, Nicolas Hulot le dit lui-même, il faut faire beaucoup plus et beaucoup plus vite.

Nicolas Hulot n’a pas su s’opposer à la relance du programme autoroutier, à l’urbanisation galopante des terres agricoles, à l’importation massive d’huile de palme. Cette démission est alors une opportunité pour réellement changer de modèle. Arrêter les nouvelles autoroutes, réduire la part de la voiture individuelle (et pas seulement du diesel), freiner l’étalement urbain dans toutes les agglomérations, développer les mobilités douces, développer les actions de logistique urbaine. L’échec de Nicolas Hulot était malheureusement annoncé. Faisons-en alors une opportunité pour modifier la donne et intégrer l’environnement dans tous les secteurs : l’urbanisme, la mobilité, l’énergie, l’habitat, la biodiversité et évidemment la logistique urbaine !

Enfin, la publication d’une excellente lecture en téléchargement gratuit. « La logistique, fonction vitale », réalisée par l’Institut d’Aménagement et Urbanisme. A lire absolument. Il s’agit là d’un remarquable travail de recherche et de synthèse sur la logistique urbaine, centré sur les problématiques de la région Ile-de-France, réalisé par Muriel Adam et Corinne Ropital. Bonne lecture !

Les premiers espaces logistiques urbains à Paris avaient été installés dans des parcs de stationnement, Place de la Concorde, Saint-Germain l’Auxerrois ou Saint-Germain des Prés, pour ne citer que quelques exemples parisiens. Ces parkings présentent l’avantage de la situation centrale, mais les inconvénients d’exploitation sont souvent multiples : faible hauteur, rampe d’accès parfois difficile pour des vélocargos, absence de lumière naturelle, etc.

L’exposition « Immeubles pour Automobiles », qui se tient au Pavillon de l’Arsenal (jusqu’au 2 septembre) nous apprend que les opportunités dans les parcs de stationnement sont en réalité beaucoup plus étendues.

Les immeubles pour automobiles, puisque c’est le nom utilisé pour cette fonction, ont d’abord une histoire. La plupart de ces immeubles étaient construits en hauteur et pas en sous-sol.

C’était ainsi le cas du magnifique garage de la Compagnie parisienne des voitures électriques Kriéger, situé rue La Boétie et construit en 1906.

Autre exemple présenté au Pavillon de l’Arsenal, le garage Ponthieu Automobiles, construit en 1907 par Auguste Perret.

Ces deux sites, comme de nombreux autres construits à la grande époque de l’automobile, ont été transformés en bureaux ou détruits.

Cette exposition nous fait découvrir l’inventaire exhaustif des garages privés parisiens. Ce ne sont pas moins de 500 immeubles qui ont été identifiés, dont 135 disposant d’un potentiel de transformation. Ces 135 immeubles représentent 150 000 m2 de toiture et pas moins de 2 390 000 m3 ! Ils ont été segmentés en 5 catégories : long, profond, mixte, enclavés, traversants.

Le PLU de Paris a d’ailleurs identifié certains de ces sites parmi les 70 qui sont partiellement dédiés à la logistique urbaine. L’utilisation pour la logistique urbaine d’une dizaine d’entre eux reste toutefois très timide, prévoyant de réserver un espace de 500 m² à cette fonction. Mais cette obligation réglementaire n’empêche toutefois pas un propriétaire d’aller au-delà de ces obligations minimales réglementaires.

Les chiffres cités impressionnent par leur importance et leur potentiel, notamment pour la logistique urbaine.

Pour se développer, de nombreuses solutions de logistique urbaine nécessitent la mise à disposition d’espaces, afin de transférer les flux de marchandises vers des modes doux, petits véhicules électriques ou vélocargos. Les parcs de stationnements construits dans les villes sont souvent bien placés pour cela. Leur mutation sera dans de nombreux cas nécessaires, dans la perspective de réduction du parc de véhicules individuels.

Le développement des transports publics, des mobilités douces, mais aussi de modèles de partage de flotte permettra d’accélérer la réduction de la part de la voiture individuelle. 65% des parisiens n’ont pas de voiture et il est probable que cette proportion n’ira qu’en s’accroissant.

L’exposition du Pavillon de l’Arsenal nous montre que les parkings peuvent être transformés en habitations, en bureaux. Ils peuvent aussi l’être en Espace Logistique Urbain. Bonne visite !