Archive d’étiquettes pour : dernier kilomètre

Les plates-formes numériques prennent progressivement une place dominante dans de très nombreux secteurs de l’économie. Par le service apporté, la simplicité pour le consommateur, la qualité de l’information, elles modifient souvent de façon radicale les relations entre des offreurs de produits ou de services et leurs clients. Rapidement, elles deviennent indispensables au fonctionnement même d’un secteur économique. C’est par exemple le cas de Trip Advisor ou de Booking, qui ont progressivement relégué le modèle traditionnel du classement des hôtels en étoiles à l’archéologie du tourisme.

C’est le cas de Blablacar ou Drivy dans l’économie collaborative, d’Uber ou du modèle de market place comme celui d’Amazon ou d’Ebay dans la vente de produits.

Peu de secteurs échappent au modèle de market place et de plateforme numérique.

Sur le plan économique, le modèle est assez simple. Un site propose des offres et se rémunère en pourcentage sur les transactions. Le pourcentage variera suivant le niveau de services apporté et surtout la visibilité.

Contrairement à d’autres secteurs, le transport de marchandises ne correspond pas à un modèle unique. Des plates-formes comme Everoad ou Fretlink, mais aussi Wefret ou Fretbay ont choisi comme orientation des trajets interurbains ou internationaux. C’est en quelque sorte l’équivalent numérique de la bourse de fret, avec un message vertueux, celui de mieux occuper les capacités roulantes.

Un second modèle est celui des solutions de livraison du dernier kilomètre, permettant de mettre en relation des transporteurs, souvent des coursiers ou des VUL, avec des commerçants, magasins physiques ou e-marchands et des restaurants. Le but est alors de répondre à la demande croissante de livraison rapide en ship-from-store en optimisant les parcours. Une communauté de transporteurs ou de livreurs indépendants est connectée à cette plate-forme et est mise en relation avec un point de vente qui génère des demandes des clients. Il y a dans ce cas non pas 1 intermédiaire (comme Booking) mais 2 intermédiaires entre le transporteur et le client destinataire (la plate-forme et le magasin).

Les modèles les plus connus sont Colisweb, Deliver.ee, Myboxman, mais aussi Stuart, Seven Senders, Deliveroo, Foodora, Zeloce, …

D’autres modèles, totalement collaboratifs, comme You2you, Cocolis, Yper ou Shopopop, s’inscrivent dans l’économie du crowdsourcing.

Au-delà des modèles, souvent différents, orientés vers un segment de marché ou un territoire, se posent de nombreuses questions.

Le premier sujet est réglementaire, avec deux facettes différentes de cette réglementation.

La profession du transport de marchandises en réglementée. Si le véhicule utilisé (notamment les moins de 3,5 t) est motorisé, le transporteur doit détenir une attestation de capacité de transport léger de marchandises. Cela pose le problème des particuliers qui interviennent sur des activités de transport de biens au travers de ces plates-formes, souvent avec leur voiture personnelle. Cela pose aussi le problème des transports effectués à scooter, de plus en plus fréquents.

Si la livraison est effectuée à pied, en transports en communs ou en vélo, cela ne pose pas de problème particulier. L’assistance électrique est assimilée au vélo jusqu’à 250 w. La livraison à vélo s’est d’ailleurs beaucoup développée de ce fait par les plates-formes de repas, accessoirement pour des raisons environnementales.

Force est de constater que, malgré les règles mises en place par les plates-formes, environ 15% des transports réalisés par les plates-formes du dernier kilomètre sont réalisées à scooter, très souvent sans attestation de capacité et sur initiative personnelle du livreur.

D’autre part, la profession s’insurge contre le développement de transports en VUL, souvent immatriculés dans un autre pays, sans attestation de capacité.

Le second volet réglementaire est celui du commissionnaire de transport. Nombre de plates-formes estiment ne pas avoir besoin d’être commissionnaire. Elles jouent un rôle de mise en relation, comme dans d’autres secteurs, entre un donneur d’ordre et un client et prélèvent une commission pour ce service. Or le code des transports stipule que le commissionnaire organise et fait exécuter, sous sa responsabilité et sous son propre nom, un transport de marchandises pour le compte d’un commettant. De nombreuses plates-formes interviennent bien dans ce cadre.

La profession du transport là encore, s’inquiète de la dérive que constitue le modèle de plate-forme qui n’est pas toujours commissionnaire de transport.

Dans ce débat, le gouvernement prend souvent des positions  « molles » et contradictoires, au gré des débats et des groupes de pression. La mission sur les VUL, pilotée par le député Damien Pichereau, a tout simplement « oublié » d’auditionner les plates-formes, et d’ailleurs également les experts logistiques et l’Aslog. Les conclusions sont donc nécessairement partielles et orientées. La Ministre des Transports, met en avant, lors de Vivatech, une plate-forme collaborative de déménagement, au grand dam de la profession qui critique ouvertement ces modèles. Nous voyons là 2 positions totalement opposées.

Depuis plusieurs années, a contrario, nous constatons une absence quasi totale de contrôle qui laisse penser que l’enjeu que représente l’emploi de centaines de milliers de micro-entrepreneurs, avec souvent des situations précaires, prend le dessus sur les règles en place souvent anciennes.

Le second risque mis en avant par les professionnels est la propriété des données. Une plate-forme devient vite propriétaire de nombreuses données, qui peuvent alors être commercialisées et utilisées. Ainsi, Deliveroo devient propriétaire ou détient… le fichier de clients des restaurants affiliés. Quoi de plus simple alors que de créer ses propres cuisines et simplifier la chaîne logistique, au détriment des restaurateurs qui verront alors s’évaporer leurs clients. Mais cette clientèle existerait-elle sans Deliveroo ?

Les transporteurs sont à juste titre très inquiets du risque que représente ce transfert de propriété de données qui concernent les clients, les prix, les conditions d’un contrat commercial.

Un troisième risque est la tendance à la baisse des prix. Une plate-forme est un intermédiaire, qui certes apporte un volume d’activité, mais perçoit une marge souvent significative. Que reste-t-il au transporteur ? Les modèles low cost comme la livraison collaborative, l’emploi de micro-entrepreneurs, le transport « illégal » constituent autant d’opportunités de baisse de prix du transport. Les fédérations s’en inquiètent. On peut toutefois modérer ces messages par le fait qu’un commissionnaire est rarement gratuit et que le transporteur est depuis longtemps soumis à des pressions tarifaires.

Tous ces sujets montrent que le débat est plus que jamais ouvert et que les acteurs au plus haut niveau de l’Etat véhiculent des messages souvent très contradictoires. Le combat des start-ups contre l’économie réelle est alors engagé !

L’article 27 du pacte national de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, voté le 14 juin dernier au Sénat, prévoit un ensemble de taxes sur l’e-commerce et notamment une nouvelle taxe sur les livraisons liées au commerce électronique. Le montant initial exorbitant de cette taxe a été revu à la baisse.

Ce texte prévoit différentes dispositions :

  • Une taxe de 1% du prix du bien lorsque la distance entre le dernier lieu de stockage et l’adresse finale est inférieure à 50 km. Ce taux est porté à 1,5% entre 50 et 80 km et à 2% au-delà de 80 km, avec un minimum de 1 € par livraison
  • Sont exonérées, les livraisons effectuées par des moyens non consommateurs d’énergie fossile
  • Les livraisons effectuées par des entreprises dont le CA est inférieur à 50 M €
  • Les entreprises dont l’activité principale est la vente de livres et qui disposent de points de vente physique
  • Les livraisons en circuits courts de magasins de producteurs.

L’objectif de cette taxe est de financer en partie le plan de revitalisation des centres-villes.

Avant d’analyser l’impact de cette taxe, de nombreuses questions se posent sur son application.

  • Les entreprises situées à l’étranger sont-elles concernées ? Environ 15% de l’e-commerce concerne des achats en provenance de l’étranger, de Chine, du Royaume-Uni, d’Allemagne, etc. Est-il possible et légal d’appliquer une taxe à des marchands étrangers ? Si ce n’est pas le cas, c’est un énorme avantage qui est accordé aux vendeurs étrangers, au détriment des entreprises françaises.
  • Les vendeurs de market place sont-ils concernés. La plupart d’entre eux font bien sûr moins de 50 M € de CA. Comment alors contrôler le chiffre d’affaires des vendeurs sur Alibaba ?
  • Que signifie la notion de « dernier lieu de stockage » : Une agence de messagerie de proximité pourrait être considérée comme un lieu de stockage…
  • La taxe serait appliquée lors de la vente alors que le moyen de transport (carboné ou décarboné), est décidé par le transporteur. On voit là une énorme complexité pour que l’e-marchand sache à l’avance que le colis X livré dans la ville Y le sera en véhicule électrique. Et si le véhicule électrique est en panne et remplacé à la dernière minute par un véhicule diesel ?
  • Comment est calculée la distance. Les lignes de transport ne sont pas toujours directes. S’agit-il d’une distance « à vol d’oiseau », théorique, réelle ? La connaitre à l’avance et avec précision semble illusoire…
  • Les livraisons en véhicule au gaz ne sont pas exonérées puisque le gaz est une énergie fossile (sauf le biogaz). C’est contradictoire avec le plan de déploiement de stations GNV annoncé par le gouvernement.
  • Les livraisons en point relais sont-elles également concernées ?
  • le B to B est-il concerné ? auquel cas, cette taxe ne toucherait pas seulement les particuliers mais aussi les entreprises

Cet article tente d’essayer de comprendre la logique de ce texte et de mettre en évidence les conséquences.

Tout d’abord, il semble tout d’abord utile de rappeler que l’e-commerce, contrairement à ce qui est mentionné dans les actes des débats au Sénat, n’est en rien responsable des problèmes actuels du commerce physique. L’e-commerce ne représente que 8% de la consommation.

Rappelons que, lors des vingt dernières années, le commerce physique s’est étendu en France de 3% par an alors que le PIB a progressé de 1,3%. Il y a donc tout naturellement une suroffre en commerce physique, qui a profité aux zones commerciales périphériques. Les élus ayant souvent privilégié l’étalement urbain des agglomérations, les centres villes se sont naturellement trouvés délaissés et abandonnés.

Ne rendons donc pas l’e-commerce responsable de cette situation. Ce raccourci est inexact.

La suroffre commerciale va très certainement s’accentuer dans les prochaines années, quel que soit le niveau et l’assiette des taxes imaginées par des sénateurs. La digitalisation de nombreux secteurs rendra progressivement inutile de nombreux points de vente physique. Cela concerne déjà les commerces de vidéo, de musique, les agences de voyage, et probablement bientôt les banques, cabinets d’assurance et de nombreux autres secteurs pour lesquels un comptoir physique n’apportera que peu d’utilité pour l’achat de produits dématérialisés.

L’e-commerce concurrence bien sûr le commerce physique mais il a d’autres impacts sur le plan commercial. Il constitue un formidable moyen, pour les 220 000 entreprises de ce secteur, d’exporter. Il constitue aussi pour le commerce physique une opportunité majeure d’augmenter sa zone de chalandise. Il participe pleinement à la ruralité, les e-marchands étant souvent plus ruraux que de nombreux autres secteurs.

Sur le plan sociétal, l’e-commerce n’est pas un nouveau canal de vente qui concurrencerait le commerce physique, c’est tout simplement la transformation du commerce. Les années 1960 ont été marquées notamment par l’invention de l’hypermarché. C’est une révolution aussi importante du commerce qui s’annonce. Est-ce la fin des hypermarchés ? Probablement pas mais le modèle évoluera inévitablement. Est-ce la fin des commerces de centre-ville ? Probablement pas si le législateur saisit les opportunités qui se présentent, l’e-commerce en étant une et si l’aménagement du territoire intègre mieux la nécessité de préserver les centres villes en réduisant la place de la voiture individuelle.

Les débats se trompent probablement de cible en indiquant « Ces commerçants de détail devront en outre faire face à la concurrence déloyale des géants du e-commerce, qui risquent de « vampiriser » progressivement les locaux disponibles de centre-ville pour installer leurs « drives », points de « click and collect » et de livraison. ». La France a laisser se développer en 15 ans plus de 4000 drives accessibles uniquement en automobile. Pourquoi refuser de développer des drives qui seraient accessibles en modes doux ? Les sénateurs sont-ils tant opposés que cela aux mobilités douces et adeptes du tout diesel ? Les drives et click & collect permettent justement de mieux consolider les livraisons e-commerce et d’en réduire l’impact environnemental. Il faut donc les encourager plutôt que les taxer…

Au-delà de la complexité d’application et de contrôle de cette taxe, nous voyons plusieurs conséquences :

  • Un avantage donné aux entreprises situées à l’étranger par rapport aux entreprises d’e-commerce localisées en France. Alibaba ne s’y trompe pas en choisissant la Belgique comme lieu d’implantation au détriment de la France.
  • Un avantage donné aux habitants de la région parisienne, de la région lyonnaise et du Nord, qui concentrent les principaux entrepôts e-commerce, par rapport aux habitants de régions plus éloignées, qui seront plus taxés. On peut, sur cet aspect, douter de la légalité de ce texte qui défavoriseraient les habitants les plus éloignés de ces 3 pôles…
  • Un avantage donné aux habitants des grandes métropoles par rapport aux habitants des petites et moyennes villes car la livraison décarbonnée est déjà développée dans les cœurs de grandes villes et ne le sera pas avant assez longtemps dans les zones rurales. En effet, il y a plus de chances que l’habitant du centre de Paris soit livré en véhicules électriques à court terme que l’habitant d’une ville moyenne du centre de la France.
  • Un avantage donné aux market place par rapport aux pure players. Les principales market places, Amazon, Alibaba, Cdiscount notamment profiteront pleinement de ce texte au détriment des grands pure players. Est-ce le rôle de l’Etat de favoriser un modèle au détriment d’un autre ?
  • Un risque majeur de délocalisation d’entreprises e-commerce dans des pays voisins de la France, dans lesquels cette taxe ne s’appliquerait pas. Ceci est contradictoire avec les efforts déployés pour implanter les grands e-marchands mondiaux en France.

Si le problème de revitalisation des centres villes est un problème réel, ce texte semble poser de très

Les taxes ont souvent l’effet inverse à celui prévu au départ. Il est fort probable que ce sera le cas si ce projet inutile arrive à son terme.

Les premiers espaces logistiques urbains à Paris avaient été installés dans des parcs de stationnement, Place de la Concorde, Saint-Germain l’Auxerrois ou Saint-Germain des Prés, pour ne citer que quelques exemples parisiens. Ces parkings présentent l’avantage de la situation centrale, mais les inconvénients d’exploitation sont souvent multiples : faible hauteur, rampe d’accès parfois difficile pour des vélocargos, absence de lumière naturelle, etc.

L’exposition « Immeubles pour Automobiles », qui se tient au Pavillon de l’Arsenal (jusqu’au 2 septembre) nous apprend que les opportunités dans les parcs de stationnement sont en réalité beaucoup plus étendues.

Les immeubles pour automobiles, puisque c’est le nom utilisé pour cette fonction, ont d’abord une histoire. La plupart de ces immeubles étaient construits en hauteur et pas en sous-sol.

C’était ainsi le cas du magnifique garage de la Compagnie parisienne des voitures électriques Kriéger, situé rue La Boétie et construit en 1906.

Autre exemple présenté au Pavillon de l’Arsenal, le garage Ponthieu Automobiles, construit en 1907 par Auguste Perret.

Ces deux sites, comme de nombreux autres construits à la grande époque de l’automobile, ont été transformés en bureaux ou détruits.

Cette exposition nous fait découvrir l’inventaire exhaustif des garages privés parisiens. Ce ne sont pas moins de 500 immeubles qui ont été identifiés, dont 135 disposant d’un potentiel de transformation. Ces 135 immeubles représentent 150 000 m2 de toiture et pas moins de 2 390 000 m3 ! Ils ont été segmentés en 5 catégories : long, profond, mixte, enclavés, traversants.

Le PLU de Paris a d’ailleurs identifié certains de ces sites parmi les 70 qui sont partiellement dédiés à la logistique urbaine. L’utilisation pour la logistique urbaine d’une dizaine d’entre eux reste toutefois très timide, prévoyant de réserver un espace de 500 m² à cette fonction. Mais cette obligation réglementaire n’empêche toutefois pas un propriétaire d’aller au-delà de ces obligations minimales réglementaires.

Les chiffres cités impressionnent par leur importance et leur potentiel, notamment pour la logistique urbaine.

Pour se développer, de nombreuses solutions de logistique urbaine nécessitent la mise à disposition d’espaces, afin de transférer les flux de marchandises vers des modes doux, petits véhicules électriques ou vélocargos. Les parcs de stationnements construits dans les villes sont souvent bien placés pour cela. Leur mutation sera dans de nombreux cas nécessaires, dans la perspective de réduction du parc de véhicules individuels.

Le développement des transports publics, des mobilités douces, mais aussi de modèles de partage de flotte permettra d’accélérer la réduction de la part de la voiture individuelle. 65% des parisiens n’ont pas de voiture et il est probable que cette proportion n’ira qu’en s’accroissant.

L’exposition du Pavillon de l’Arsenal nous montre que les parkings peuvent être transformés en habitations, en bureaux. Ils peuvent aussi l’être en Espace Logistique Urbain. Bonne visite !