Alors que la protection de notre patrimoine est au cœur de nos préoccupations, intéressons-nous au patrimoine de la logistique urbaine.

Le 20ème siècle a vu se réaliser en région parisienne, à différentes périodes, des ensembles impressionnants, témoins d’une époque, mais aussi de la présence de la logistique en ville, que de nombreux acteurs tentent aujourd’hui de retrouver dans une logique de distribution cohérente et vertueuse de la ville.

Dans les années 1920, des réalisations remarquables, utilisées pendant des décennies pour la logistique urbaine, ont été sauvegardées, mais avec des optiques différentes de celle de la logistique urbaine. C’est par exemple le cas de la Halle Fressinet.

Les années d’après-guerre (1950) ont été la période de construction de certains grands sites comme celui du Citrail à Pantin.

Les années 1960 ont été marquées par la création des gares routières, Garonor au Nord de Paris et Sogaris au Sud.

Les années 1970 ont vu la réalisation dans Paris de réalisations plus contestées, malgré leur utilité pendant des décennies sur le plan de la distribution de Paris : les entrepôts Ney et Macdonald. Ce dernier fait l’objet d’une restructuration impressionnante mais en modifiant également son orientation vers la logistique urbaine.

Il m’a semblé intéressant de regarder quelques une de ces réalisations sur un plan du patrimoine architectural.

Le premier bâtiment de Garonor a été construit par un architecte de grand renom, Bernard Zehrfuss.

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Bernard Zehrfuss

Cet architecte est connu pour la construction du CNIT à la Défense ou des bâtiments de l’Unesco à Paris. Il l’est moins pour la réalisation du plus grand bâtiment de Garonor, qui a su pendant des décennies, caractériser cette plate-forme dédiée à la logistique urbaine. Si le côté opérationnel de ce bâtiment est loin de correspondre aux standards actuels, la rénovation de ce site, en conservant son originalité et sa puissance architecturale pourrait être une opportunité afin de conserver ce caractère innovant des années 1960.

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Bâtiment 1 de Garonor

La gare routière Sogaris (puisque c’était à cette époque son nom), a été construite par deux architectes qui ont également une place significative dans l’architecture industrielle et à qui il convient de rendre hommage : Reymond Luthi, décédé en 2010 et Olivier Vaudou. Ces deux architectes ont été collaborateurs de l’architecte Jean Dubuisson et sont intervenus sur de nombreux projets industriels et tertiaires notamment dans les années 1980. L’architecture des gares routières est caractéristique de cette époque qui était marquée par le modernisme mais aussi le caractère fonctionnel et structurant.

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Bâtiment T de Sogaris

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Gares routières, anciens sites Sernam ou SNCF, entrepôts des Maréchaux, ces sites sont caractéristiques de cette époque que les professionnels commencent à regretter : l’existence de structures logistiques en ville, à l’intérieur même de Paris ou en proximité immédiate, afin d’organiser de façon rationnelle la distribution du dernier kilomètre. Souvent des « hôtels logistiques » avant l’heure.

Souhaitons que ces nombreux témoins de notre patrimoine architectural, dont le positionnement pour la logistique urbaine est plus que jamais pertinent, puissent continuer à servir l’agglomération parisienne dans sa fonction essentielle d’approvisionnement

Il y a 30 ans, en 1984 (pas le 6 juin mais le 1er mars), la Redoute inventait le 48 h Chrono. Un vrai évènement. Pouvoir commander sur un catalogue un article et être livré en 48 heures. Nous étions à l’époque de la messagerie rapide. « Rapide », c’était 3 à 5 jours. La Redoute était un pionnier en inventant le 48 heures toute France. N’oublions pas qu’à cette époque, pour certains pas si lointaine, la France n’était pas couverte d’autoroutes.

Ce slogan du 48 h chrono est d’ailleurs resté attaché à la marque, comme le contrat de confiance pour Darty.

Ce délai était un pari fou. Livrer la Lozère ou les stations des Alpes en 48 heures avec de surcroît un engagement incroyable, que personne n’oserait tenir actuellement : « on vous livre en 48 heures ou on vous l’offre ».

la redouteSi l’histoire dit vrai, sur les 10 000 premières livraisons, une seule n’a pas respecté cet engagement.

Cette étape de la logistique que nous commémorons cette année nous apprend plusieurs faits.

Tout d’abord, le respect de l’engagement est plus fort que le délai. C’est cet engagement qui a probablement été une des clés de la réussite de La Redoute à cette époque.

Autre point, nous considérions à l’époque ce délai de 48 heures entre la commande (d’ailleurs souvent par courrier – le Minitel venait tout juste d’apparaître) et la livraison comme un exploit. Les points relais commençaient tout juste à apparaître, facilitant le respect de cet engagement.

Avec le recul et le développement de l’e-commerce, nous vivons une incroyable accélération des flux. L’enjeu devient le Jour J. Commander le matin et être livré le soir, ceci dans toutes les grandes villes.

Evidemment, cela nécessite des organisations différentes.

Certains services, qui utilisent le stock de magasins physiques, proposent des livraisons encore plus courte, de 2 ou 3 heures seulement.

Mais qui prendra l’engagement de rembourser le prix de la marchandise en cas de non-respect du délai ?

C’est pourtant cet engagement du commerçant, non seulement sur la préparation, mais sur le transport, qui a fait sa réussite pendant des décennies.

Le consommateur ne se contente pas d’un délai approximatif. Il est disposé à payer pour la certitude d’un service parfait. Si la SOGEP savait le faire il y a 30 ans, pourquoi ne pourrions-nous pas actuellement imaginer de le faire aujourd’hui ?

Ce retard de seulement 1 sur 10 000, qui se rapproche du taux presque parfait des Dabbawalas de Bombay, aujourd’hui totalement utopique malgré l’industrialisation poussée des réseaux de transport, nous montre l’objectif à atteindre.

Jour J, 24 h ou 48 h, l’important pour l’internaute, c’est le respect de l’engagement pris. C’est probablement cela le contrat de confiance entre l’internaute et l’e-marchand !

 

L’Atelier Parisien d’Urbanisme a récemment publié une note de synthèse que la qualité de l’air dans la métropole francilienne et sur l’opportunité de création d’une ZAPA.

Cette note très précise résume l’ensemble des travaux sur le sujets et conclu à une inadéquation du principe d’une ZAPA pour de nombreuses raisons, réglementaires, sociales et socio-économiques.

C’est un remarquable travail qu’il faut saluer et qui montre que, sur ce sujet, les idées reçues ne sont pas nécessairement celles qui se concrétisent.

Cette étude, que j’incite à lire et analyser, mérite cependant des arguments contradictoires. Il n’y a en effet, sur ce sujet, pas de pensée unique. Tant mieux !

http://www.apur.org/etude/qualite-air-metropole-francilienne

Le premier sujet est le périmètre d’étude. Paris, Paris + Plaine Commune, A 86 (soit 76 communes). Evidemment, la complexité de mise en œuvre et l’impact ne sont pas du tout les mêmes. Limiter une réglementation à Paris intramuros aurait en effet comme impact de reporter une partie du trafic à la périphérie. Ceci reste cependant à vérifier. Un péage urbain aurait sans aucun doute un impact de report de trafic ; par contre, une ZAPA, qui ne vise pas à faire payer, mais à interdire, aurait peut-être moins d’impact de report de trafic à l’extérieur même de la zone concernée.

Si élargir le projet à 76 communes est sans aucun doute, ainsi que l’APUR le mentionne, une œuvre titanesque, nous ne devons pas nous arrêter à ces obstacles. Nous sommes à l’époque de la « dé-millefeuillisation » de l’administration ! La santé des habitants, car c’est l’enjeu de la ZAPA, ne peut pas s’arrêter à une complexité administrative, même réelle.

Le sujet suivant, social est tout à fait intéressant. Il est clairement indiqué dans cette étude que les véhicules les plus anciens sont ceux qui roulent le moins (donc polluent le moins) et appartiennent principalement aux classes sociales défavorisées.

On peut alors se poser la question de différencier les véhicules particuliers des véhicules utilitaires et poids lourds. Il n’est en effet pas concevable de pointer du doigt les véhicules des classes les plus défavorisées. La question de l’utilisation professionnelle des véhicules dans la région parisienne est très différente. L’étude de l’APUR nous explique que 71% des véhicules PL et 39% des VUL qui circulent ont une classification Euro 2 ou moins et sont donc très polluants.

Les chiffres mentionnés dans l’étude montrent donc que la situation est alarmante. Si, bien entendu, il est tout à fait impossible d’imaginer d’interdire un tel pourcentage de véhicules, une politique active de renouvellement du parc est nécessaire. Dans ces 71% et 39%, nous allons retrouver des petits transporteurs, déménageurs, entreprises de travaux, artisans, mais aussi probablement des groupes plus importants et sans aucun doute de nombreuses entreprises qui travaillent en sous-traitance pour des groupes importants.

Les conclusions de l’étude, même si elles sont techniquement justes, sont-elles politiquement et socialement correctes ?

S’il est vrai qu’une Low Emission Zone ou ZAPA est complexe à mettre en œuvre, présente un intérêt environnemental en théorie réduit, cela reste de toute façon le sens de l’histoire dans les grandes villes. La France est un des rares pays européens à ne pas avoir encore pris de mesure dans ce sens. Certaines villes comme Milan vont bien plus loin en mettant en place un péage urbain afin de décongestionner le centre-ville. Le péage urbain de Milan a fait l’objet d’un référendum approuvé par 80% de la population!

C’est alors le rôle des responsables politiques de prendre les décisions d’orientation, quitte à adapter les dispositifs, comme cela semble nécessaire à la lecture de cette étude, à les aménager pour qu’ils soient réalistes et socialement acceptables.

Un premier pas dans ce sens, même si l’impact réel restera faible, constituerait un effet déclencheur important et une prise de conscience des professionnels, qui prendront en compte cet élément dans leurs appels d’offres, leurs choix de prestataires, de sous-traitants.