Les consommateurs ont toujours été exigeants. Mais ils le sont de plus en plus, aidés par le marketing des principaux e-marchands.

Disposer des produits convoités en un temps très court, c’est ici le rêve de chaque e-consommateur. Uber Eats nous apprend qu’une livraison de repas en 10 minutes est possible.

Ce rêve de l’accès facile était à l’origine de la création des hypermarchés, dès 1963. Disposer de tout sous un même toit, garer sa voiture sur un parking, transporter ses produits dans un « caddie » – marque créée en 1957-, payer en une fois : la consommation devient un plaisir.

Ce côté plaisir de l’e-commerce se retrouve dans le choix, la facilité, la possibilité de retourner ce qui ne convient pas.

Pourtant, l’envers du décor nous est régulièrement rappelé. Les producteurs peinent à vendre leurs produits à un prix équilibré. Le coût environnemental de produits provenant de l’autre côté de la planète nous est caché. L’immédiateté de l’achat nécessite une efficacité logistique qui a un coût. Internet n’a pas amélioré les conditions de travail dans les entrepôts et dans la chaîne du transport, loin de là.

Dès que chacun d’entre nous, souvent lors des périodes de vacances, retrouve pendant un temps des racines rurales, il recherche la proximité, l’origine locale des produits, les liens avec ceux qui produisent.

Un des phénomènes les plus marquants de notre société de consommation est le retour progressif aux circuits courts.

Un circuit court, c’est une chaîne de distribution réduite. Un producteur vend directement à un consommateur. Cela a toujours existé. Mais le circuit court nécessite un effort. Le producteur n’est pas nécessairement organisé pour distribuer ses produits. Il faut donc se déplacer pour le rencontrer. Ou bien aider ce producteur à exister et vendre ses produits. Le circuit court nécessite du temps et des efforts auxquels nous ne sommes plus habitués.

Les exemples de réussite et de développement des circuits courts ne manquent pas.

Le secteur le plus concerné est logiquement celui des fruits et légumes. Nombre de consommateurs veulent savoir d’où proviennent les produits qu’ils consomment, dans quelles conditions ils sont cultivés. Le succès des AMAP, de La Ruche qui dit Oui !, des marchés, des groupements ou salons de poducteurs, correspond à ces attentes de rencontres. C’est aussi pour le consommateur une occasion unique de se remémorer qu’une fraise n’est pas nécessairement calibrée, qu’une pomme peut venir d’ailleurs que du Chili, que les légumes ont des saisons…

Le circuit court implique aussi la proximité. Aider au développement de son quartier, de son village, de sa région, c’est une responsabilité qui incombe au consommateur, qui choisit alors d’acheter local.

Ce discours peut sembler contradictoire avec l’époque que nous vivons de l’e-commerce cross border, qui permet à tout e-marchand de vendre ses produits dans toute l’Europe, voire le monde entier, sans grande difficulté, hormis la logistique et les contraintes administratives.

Pourtant, le circuit court répond à des codes précis.

Le premier est l’accueil, la fidélisation du client. Le consommateur retrouve au travers de l’achat en circuit court un moment de plaisir. Il est donc essentiel de ne pas le décevoir.

Le second principe est celui de la transparence. Le consommateur attend une information, des conseils, mais aussi la découverte de produits et une transparence sur les prix.

La condition de réussite souvent oubliée est celle de la logistique. Il faut créer des points de rencontre entre producteur et consommateur. Ces points peuvent être les « ruches », espaces de rencontre et de remise des produits achetés. Ils peuvent être aussi des points de retrait, des étals de marchés, des stands de salons, des stands de vente directe. Ils sont parfois aussi des consignes automatiques, permettant au producteur de mettre à disposition ses produits, dans des conditions d’hygiène requises, mais sans mobiliser trop d’efforts et de temps.

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Le regroupement de producteurs est souvent l’opportunité de mutualiser des moyens logistiques et d’optimiser le coût de la distribution.

Si les circuits courts ne concernent qu’une part faible des produits achetés, fruits et légumes, vins, produits de terroir, le segment est clairement en croissance et intéresse de plus en plus d’industriels. L’industriel, qui connaît déjà le consommateur au travers de l’e-commerce, peut alors le fidéliser et éviter une marge, celle de la distribution. A l’instar d’Evian, avec Evian Chez Vous, nombre d’industriels cherchent à fidéliser le client en le servant directement.

Si le coût logistique de livrer en colis ou paniers plutôt qu’en palettes peut sembler énorme, le lien direct avec le consommateur représente un potentiel de valorisation et d’image. En achetant en circuit court, le consommateur ne privilégie plus le prix, mais l’image de ce qu’il achète. Il devient lui-même acteur de la logistique.

L’année 2015 a vu la naissance en France de deux réseaux de consignes collectives. Tout d’abord celui de la Poste, les Pickup Stations, que l’on commence à voir notamment autour des gares de la périphérie parisienne, mais aussi autour des bureaux de Poste des métropoles régionales. La Poste avait déjà mis en place un réseau depuis 2005, celui de Cityssimo, qui a été arrêté probablement du fait de l’absence de maillage (35 points seulement) et du modèle économique qui faisait supporter la location d’espaces commerciaux.

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Un autre opérateur postal, le groupe InPost, présent dans 22 pays et premier opérateur mondial de consignes automatiques, s’est implanté en France avec sa marque Abricolis. Les consignes Abricolis sont installées autour de stations-services (partenariat avec Total), de centres commerciaux (Casino, Carrefour), de supermarchés, de gares. Le réseau InPost se développe très rapidement sur l’ensemble du territoire. Ainsi, environ 50 consignes sont déjà installées en région parisienne.

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Ces deux réseaux ambitionnent chacun 2000 à 2500 points afin de couvrir le territoire français. Fin 2015, nous pensions que ces deux réseaux, qui complèteront les 4 réseaux traditionnels de points relais, permettront de satisfaire la demande naissante de ce type de retrait.

Il n’en est rien. En quelques mois, deux nouveaux réseaux sont apparus, avec des spécificités par rapport aux réseaux Pickup et Abricolis.

Il s’agit tout d’abord du réseau Amazon Lockers. Déjà présent en Grande Bretagne avec plus de 1000 consignes, localisées dans les centres commerciaux, sur les parkings, à l’intérieur de magasins, Amazon a commencé à installer ses consignes à Paris.

Ainsi, lorsque nous commandons un produit sur Amazon, parmi les solutions de retrait proposées apparaissent les Amazon Lockers. La vitesse de déploiement des solutions Amazon laisse penser que le réseau des Amazon Lockers sera très prochainement aussi dense que celui de ses deux concurrentes.

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Plus récemment, un quatrième réseau est né, celui de Bolloré avec BlueDistrib.

Déjà 10 consignes BlueDistrib sont installées, actuellement dans les stations d’Autolib.

Le concept de BlueDistrib est légèrement différent.

Il concerne à la fois les e-marchands, dont C-Discount, mais aussi les commerces de proximité. Bolloré dispose déjà des emplacements dans les stations Autolib, avec la contrainte de la taille. C’est un atout important permettant un déploiement significatif. Contrairement à ses concurrents, les consignes sont petites, avec seulement 16 cases. La raison en est probablement l’étroitesse des espaces Autolib. A terme, l’avantage de la consolidation des flux sera peut-être moins pertinent que pour les grands ensembles de consignes comme ceux de ses 3 concurrents.

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La grande nouveauté est que, pour la première fois, la consigne est reconnue comme du mobilier urbain, au même titre que les stations de Velib, les stations d’Autolib et les kiosques.

Les consignes représentent un avantage environnemental majeur : un accès 24 h/24 évitant l’échec à la première présentation du colis, estimé par la Fevad à 23%. Par ailleurs, livrer plusieurs colis au même emplacement permet de réduire le nombre de livraisons et constitue un autre avantage environnemental. C’est aussi un service au consonaute que nous sommes tous, l’accès aisé à ses colis 24h/24, 7j/7.

Ces quatre réseaux, puisque c’est le nombre qu’il faut aujourd’hui retenir doivent-ils se développer en milieu urbain chacun de son côté ? Il y a probablement urgence à mutualiser les emplacements et permettre au consommateur, quel que soit le réseau choisi par son e-marchand, de récupérer facilement son colis. Il revient donc aux collectivités locales de prévoir dans les villes des espaces permettant d’accueillir non pas une consigne d’un réseau mais les 4 consignes des 4 réseaux au même emplacement. Certains transports pourront ainsi être mutualisés. Colis Privé est déjà transporteur d’InPost et appartient à Amazon.

 

La SITL 2016 vient de s’achever après 4 jours très intensifs.

Un programme de conférences très dense et particulièrement innovant a ponctué cette semaine.

start-up contest

La SITL a également été une vitrine pour de nombreuses start-ups souvent absentes de ce rendez-vous annuel du transport et de la logistique.

La plupart des groupes de transport et de logistique, notamment autour de l’e-commerce et de la logistique urbaine étaient présents : XPO, FM Logistic, Geodis, Log’Solutions, Labatut notamment.

La logistique urbaine avait cette année une place inégalée, preuve du dynamisme du secteur.

Le 22 mars, Jérôme Libeskind a animé une première conférence sur les véhicules de livraison urbains, avec 5 constructeurs, Gruau, Nissan, Univers VE, Libner  (avec sa Base Intelligente de Logistique)et EMD Kleuster (avec son cargocycle Freegône). Cette conférence a permis de constater l’étendue de l’offre actuellement proposée, mais aussi les attentes notamment vis-à-vis des pouvoirs publics, afin de faire en sorte que le marché du véhicule de livraison électrique ne reste pas au niveau actuel de seulement 1%.

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La France, par son industrie, représentée par plusieurs des fabricants présents à cette conférence, est particulièrement bien représentée.

Le 23 mars, Jérôme Libeskind a animé une seconde conférence autour de la logistique urbaine et des services. Présidée par les directeurs supply chain de Picard Surgelés (Yves Moine) et de Logista (Gaël Prigent), cette conférence regroupait le club Demeter, une start-up belge de livraison écologique, Bubble Post, le groupe PTV, spécialiste de logiciels d’optimisation de tournées et la communauté urbaine d’Angers, représentée par son vice-président, Jean-Pierre Bernheim.

Cette table ronde a été l’occasion d’examiner les solutions possibles afin de réduire l’impact environnemental du transport en ville : consolidation des flux, livraisons de nuit, livraison en cargocycles ou véhicules électriques, meilleure gestion du stationnement, meilleure utilisation de l’information, notamment de l’adresse de livraison au travers d’outils informatiques.

Cette conférence plénière très complète a permis de constater que la logistique urbaine ne concerne pas uniquement les très grandes métropoles. Les métropoles régionales, comme l’a indiqué le vice-président de la communauté urbaine d’Angers, cherchent des solutions afin de réduire l’impact des livraisons de commerces, tout en maintenant l’attractivité du centre-ville.

Le 24 mars, un troisième atelier, animé par Jérôme Libeskind en partenariat avec PTV, a permis de rappeler les enjeux de la logistique urbaine, mais aussi les solutions que peuvent apporter un logiciel d’optimisation des tournées. Mieux respecter les engagements, éviter les temps et déplacements inutiles, mieux gérer l’information, mieux organiser les flux de livraison. De nombreux aspects de l’offre de PTV ont été présentés durant cet atelier.

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Ces trois conférences n’ont été que trois moments parmi de nombreux autres. Je citerais notamment la présentation de la future autoroute ferroviaire entre Delta 3 (Dourges), Bruyères-Sur-Oise et La Chapelle, qui doit démarrer dans un peu plus d’un an à l’initiative de Sogaris, XPO et Eurorail. Cette navette sera la première navette ferroviaire urbaine et constitue en soi un évènement.

Une conférence très complète sur l’utilisation du biogaz pour la livraison urbaine a complété la conférence du 22 mars sur les véhicules électriques.

En fin, comme tous les ans, le grand moment de la SITL est la remise des prix de l’Innovation. Pour la première fois, un prix spécial a été remis à une start-up dans le cadre du Start-Up Contest. Le 25 mars, les 8 entreprises nominés ont pitché durant 3 minutes devant le jury et ont répondu aux questions pendant 2 minutes. Un exercice particulièrement difficile mais auquel se sont pliés les 8 nominés de façon remarquable.

Un des nominés, la société WeTruck, s’est vu remettre le prix coup de cœur du jury. Le modèle de WeTruck est le co-voiturage en camion. Il fallait y penser et le mettre en œuvre. Traverser la France en camion, c’est une expérience sympathique, qui permet d’améliorer l’image du transport routier. C’est aussi un moyen économique et intéressant pour un transporteur.

Le prix de l’innovation du start-up Contest a été décerné à Wing, société de 5 mois d’existence seulement, qui est présente dans toute la France et à Londres. Son modèle est d’aider les e-marchands à respecter leurs engagements de logistique et de livraison. Il s’agit de prélever des produits « à nu », de les transporter par coursier vers un atelier d’emballage de proximité et de les remettre à un transporteur. Cela permet de décharger l’e-marchand de toutes les opérations d’emballage, d’achat des consommables et de la négociation / remise en transporteur. Il s’agit en fait d’une externalisation du « premier kilomètre ». Bravo à la société Wing pour ce prix bien mérité.

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D’autres sociétés ont déposé des dossiers au Start-Up Contest avec des modèles tout à fait intéressants. C’est notamment le cas de Bubble Post, start-up présente dans 15 villes de Belgique et des Pays-Bas, spécialiste de la livraison écologique des centres villes. C’est aussi le cas de DacOpacK, société qui met en relation des capacités de transport (coffres des particuliers ou capacités chez des professionnels du transport) avec des particuliers demandeurs de transport (le C to C). DacOpacK travaille sur un modèle interurbain et permet de répondre à l’offre croissante des échanges C to C.

La SITL 2016 est terminée mais les débats et initiatives de logistique urbaine se poursuivent !