Cette actualité n’arrive peut-être pas au meilleur moment. Les hasards du calendrier placent l’inauguration du centre pour migrants Porte de la Chapelle la même semaine que celle de l’élection de Donald Trump et les cérémonies du 11 novembre.
Cet article n’a pas pour vocation de porter un jugement sur la nécessité d’accueillir les migrants venant de zones en guerre, ni sur les conditions de cet accueil. L’Etat et les collectivités locales ont manifestement un rôle essentiel afin de venir en aide à des populations sinistrées et leur donner, au moins pendant un certain temps, les chances de reconstruire une vie dans la dignité.
Il s’intéresse toutefois au lieu et au moment choisis pour ce site.
Le site de la Porte de la Chapelle a constitué, tout au long du 20ème siècle, un des principaux centres de transit de marchandises de Paris, bénéficiant d’un embranchement ferroviaire. Il accueillait jusqu’à la fin des années 1990 un des grands messagers français, le groupe Edouard Dubois & Fils.
Rappelons que ce site n’a rien à voir avec un autre site en cours de développement, celui de Chapelle International, site sur lequel Sogaris construit un hôtel logistique permettant d’allier commerces (magasin Metro), logistique urbaine et bureaux.
Localisé entre le boulevard Ney et le périphérique, proche de l’accès à l’autoroute A1, cet espace avait été choisi à l’époque du fait de sa localisation au nord de Paris, mais aussi de son embranchement ferroviaire.
Encore un hasard… L’adresse du site, boulevard Ney, n’est pas sans nous rappeler l’histoire de ce maréchal de France, Michel Ney, un des principaux acteurs de la bataille de Waterloo, exécuté… il y a 200 ans. Il a par la suite été réhabilité et son nom est gravé sous l’arc de triomphe.
Revenons au site de la Porte de la Chapelle. Les Transports E. Dubois & fils y recevaient quotidiennement un train entier de messagerie, en provenance des différentes villes de France et à destination de Paris. La SNCF, lors de l’arrêt du wagon isolé, a souhaité mettre fin à cette activité, qui apportait toute satisfaction, sur le plan économique et environnemental.
Fondée en 1905 à Roubaix, cette entreprise de transport et de logistique employait à ses heures de gloire plus de 3000 personnes et le site de Paris Porte de la Chapelle en était une de ses principales agences, tant transport que tertiaire. Vendu à ABX, à l’exception d’une filiale, la Société des Entrepôts et Distribution (SED), le groupe a continué à exploiter le site de la Chapelle jusqu’au tout début des années 2000.
Il constitue aujourd’hui une des principales emprises à potentiel de logistique urbaine sur le territoire de la ville de Paris, même si d’autres projets sont prévus sur ce même site.
Préserver les emprises dédiées à la livraison des marchandises est devenu une nécessité. Ce sont en effet ces emprises qui permettront de développer des activités de logistique urbaine permettant de réduire les impacts négatifs du transport, les embouteillages, mais aussi la pollution de l’air.
A l’instar des transports Dubois, les activités de messagerie et express se sont écartées de Paris, au rythme moyen de 300 mètres par an, générant plus de véhicules et plus de kilomètres, donc plus de nuisances pour effectuer la même activité. Le développement du transport de colis, notamment du fait de l’e-commerce, mais aussi la nécessité de livrer Paris de façon plus propre nécessite de faire évoluer notre vision concernant l’utilisation des réserves foncières potentielles sur le territoire de la ville.
Même si les orientations sur le site de La Chapelle sont prises et constituent des enjeux probablement justifiés, réserver une partie de ce grand site aux activités qui ont fait son histoire peut permettre d’aider à livrer plus propre la capitale, mais aussi créer des emplois dans des secteurs particulièrement porteurs.
La Ville de Paris a certainement conscience de cette nécessité. Elle vient de réaliser un appel à projets sur 5 petits sites de la capitale (Porte de Champerret, Les Halles, Porte de la Villette et Porte de Pantin). Le site de La Chapelle et le secteur nord de Paris, notamment avec les entrepôts Ney, constitue un enjeu autrement plus considérable, à la fois du fait des espaces, mais aussi de leur localisation privilégiée.