Le 22 décembre, la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a annoncé les lauréats du nouvel appel à programmes dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie. Trois programmes, pour un total de 39 millions €, concernant la logistique urbaine, ont été retenus et il faut s’en féliciter ! Décryptons ces trois programmes retenus et leurs objectifs.

  • LUD +. Porté par Rozo, Logistic Low Carbon et le Cerema, ce programme vise à mettre en œuvre concrètement des actions opérationnelles inscrites dans les chartes de Logistique Urbaines Durables des territoires avec un accompagnement des acteurs, des actions opérationnelles, des expérimentations innovantes à l’initiative des territoires et de leurs acteurs. Il constitue la suite attendue du programme InterLUD, qui a permis d’accompagner des collectivités locales dans la mise en œuvre d’études et de concertation de logistique urbaine.
  • Marguerite. Porté par la Fabrique de la Logistique, ce programme a pour objectif d’infléchir les pratiques de logistique urbaine des opérateurs en compte propre pour aller vers davantage de consolidation des flux et de mutualisation des moyens de distribution. Nous sommes là au cœur des travaux de logistique urbaine et face aux modes les moins optimisés, en l’occurrence le compte propre. Nul doute que ce programme, sur une thématique essentielle, saura informer les acteurs économiques et les acteurs publics sur les meilleures solutions à mettre en œuvre.
  • Cyclocargologie. Derrière ce nom énigmatique se cache les Boîtes à Vélo, avec comme objectif au travers de ce programme d’engager les donneurs d’ordre de la logistique vers la cyclologistique via leur sensibilisation, la professionnalisation des cyclologisticiens pour réussir un changement d’échelle économique et le développement de solutions numériques de service pour les acteurs de la logistique.

Ces trois programmes complémentaires constituent alors la colonne vertébrale d’un programme d’accompagnement public et de mise en œuvre de solutions innovantes, avec comme objectif de décarboner le dernier kilomètre, de former les collectivités locales, d’aider les acteurs économiques.

Plus que jamais, la logistique urbaine trouve sa place dans les priorités publiques et c’est là une bonne nouvelle.

Logicités, bureau d’études spécialisé en logistique urbaine a en 2022 accompagné plus de 20 acteurs publics en France métropolitaine et dans les Outre-mer. Logicités accompagne régulièrement de nombreux acteurs privés et participe pleinement aux actions de partage et de formation à travers de très nombreux événements. Ainsi, en 2022, Logicités a animé des dizaines d’ateliers de concertation, de partage, tables rondes, conférences, webinars ou formations.

Gageons que l’année 2023 sera l’occasion de continuer à construire, avec les associations lauréates de cet appel à programmes et les acteurs publics et privés des territoires, les solutions de demain pour une logistique urbaine plus durable et plus résiliente.

Bonne fin d’année à toutes !

Logicités vous souhaite une excellente année 2023 !

C’est vrai ? OUI*

Ai-je manqué quelque chose dans le programme ? OUI

Pourquoi ne me l’a-t-on pas dit ? Parce ce qu’il y a des intérêts à le cacher…

Aurais-je le droit à un replay ? Pas sûr…

La consigne de bouteilles existe depuis 1799. Il s’agit là d’un des chapitres de mon livre « Si la logistique m’était contée »[1]. J’en profite, une bonne idée pour Noël… Alors pourquoi ne se développe-t-elle pas plus vite ?

La consigne, c’est d’abord une affaire de logistique et de gros sous. Consommer une boisson, c’est générer un déchet. Ce déchet, fort heureusement, est mieux collecté et recyclé qu’avant. Mais on nous raconte une belle histoire en nous indiquant que, grâce à ces bouteilles, on va pouvoir fabriquer à nouveau d’autres bouteilles.

C’est déjà assez inexact pour le verre transparent, qui est mélangé avec du verre coloré.

Tout ceci ne fait surtout que défendre des intérêts énormes, ceux des prestataires du recyclage et ceux des collectivités locales qui cherchent à maintenir un volume élevé de déchets afin de mieux rentabiliser leurs investissements. Les freins à de meilleures pratiques viennent parfois de là…

Flore Berlinger, dans le livre « Recyclage : le grand enfumage »[2] explique bien tous les acteurs en jeu et leurs intérêts dans cette chaîne du recyclage, très énergivore et capitalistique. Ces acteurs freinent d’ailleurs les évolutions réglementaires, qui sont en France très lentes et très loin des ambitions initiales.

Alors quelle est la bonne solution ? Ne plus consommer ?

Non, ce n’est pas le discours de Jean-Marc Jancovici, dans « Le Monde sans fin »[3]. Il s’agit plutôt de consommer intelligemment. Et pour cela, les industriels et les décideurs publics doivent nous aider. La consigne en est un bon exemple.

Très pratiquée dans de nombreux pays, comme en Belgique, en Allemagne ou dans les pays scandinaves, elle consiste tout simplement à rapporter la bouteille, qui sera alors nettoyée et remise en circulation. Pour que ce modèle soit pertinent sur le plan environnemental, il faut développer des chaînes logistiques courtes. Ainsi, les unités de remise en conformité des bouteilles doivent être proches des lieux de consommation, les grandes agglomérations. Et si nous allons  jusqu’au bout de l’exercice, les lieux d’embouteillage doivent aussi être proches des agglomérations, idéalement proches des unités de nettoyage des bouteilles.

C’est de cette façon que les transports seront réduits en kilométrage.

Et c’est ainsi, que, sur une filière bien précise, on optimise la logistique urbaine.

Les acteurs des boissons consignées, comme les distributeurs, trouvent un intérêt à mettre en place des chaînes de collecte des contenants. Pour que cela fonctionne bien, nous comptons sur eux. Les distributeurs semblent d’ailleurs beaucoup plus motivés que les spécialistes des déchets et que les acteurs publics. Ils ont bien compris qu’en développant des points de collecte dans les magasins, ils fidéliseront leurs clients.

Le point vert, symbolisé par 2 flèches, l’une blanche ou vert clair, l’autre verte, crée pour le consommateur une confusion, très bien décrite dans le livre « Recyclage : le grand enfumage ». Ce sigle laisse penser que le produit est recyclable alors qu’il ne s’agit que d’une mention comme quoi l’entreprise participe au financement du recyclage, d’ailleurs de façon très minoritaire et qu’elle ne fait finalement que respecter les obligations légales qui lui incombent. Ce point vert n’a aucune valeur écologique.

La consigne est symbolisée par un sigle que nous ne voyons que bien rarement en France : le point blanc entouré de 4 flèches. Espérons que nous verrons de plus en plus souvent ce signe !

Les consommateurs sont souvent prêts à adhérer à ce petit effort qui leur est demandé. Pour les inciter à le faire de façon régulière, la seule solution est de donner un prix à la consigne.

La logistique urbaine, c’est donc beaucoup de bon sens et beaucoup de courage politique pour faire avancer la législation, passer de l’expérimentation à l’obligation. La France, comme parfois dans les sujets environnementaux, doit regarder outre-Quiévrain et parfois au-delà pour trouver les bons exemple. N’hésitons pas à rejouer le match !

[1] FYP Editions 2021

[2] Editons de l’Echiquier 2020

[3] Dargaud 2021

* mes amis marocains m’en excuseront

Les darks stores et dark kitchens apparaissent depuis quelques temps dans les grandes villes. S’ils répondent à un besoin de service, ils impactent aussi la ville sur les plans environnemental et social. Faut-il les interdire ou mieux les réguler ?

Avec des budgets de communication considérables, les enseignes aux noms évocateurs, prononçables dans le monde entier, à l’image des opérateurs de trottinettes en libre-service, envahissent les supports publicitaires des grandes villes. Tout nous est promis en quelques minutes seulement : des repas, des courses alimentaires, des produits d’hygiène et d’entretien. Derrière ces services alléchants se cachent des modèles immobiliers, logistiques et sociaux que nous allons essayer de décrypter.

La livraison à domicile a 150 ans

Ayons tout d’abord un regard historique sur ces tendances. La livraison à domicile n’est pas nouvelle. C’est en 1870 que Félix Potin décide, à Paris, de livrer des produits alimentaires à domicile au départ de ses deux magasins. Il n’y a donc rien de nouveau, hormis la vitesse. Nous allons y revenir.

Les restaurants et supermarchés sont conçus pour recevoir des clients. L’évolution rapide des tendances de consommation, accentuée par la récente crise sanitaire, a mis en exergue la livraison à domicile. Nombre de consommateurs, notamment les plus jeunes, considèrent comme un service habituel de rester chez soi et de se faire livrer.

Mais préparer les commandes au départ d’un restaurant ou d’un point de vente est complexe, onéreux et désorganise souvent le fonctionnement interne du commerce. L’idée apparue aux Etats-Unis en 2016 est de créer des espaces dédiés aux livraisons. Pour les repas, il s’agit de cuisines centrales, qui accueillent des restaurateurs. Pour les courses alimentaires, ce sont des petits entrepôts de proximité. Les dark kitchens et dark stores sont nés. Certains modèles disposent de comptoirs de click & collect permettant aux consommateurs de se déplacer pour retirer leur commande. Ces espaces sont conçus pour leur usage : efficacité, productivité, organisation logistique adaptée. Ces métiers ont découvert la supply chain.

Quelles conséquences sur la ville ?

Pourtant, ces modèles attractifs désorganisent le fonctionnement de la ville et créent plus de nuisances que de service.

Sur le plan logistique, le principal problème est la vitesse. Le délai de quelques minutes ne permet pas de consolider les livraisons. Les dark stores et dark kitchens génèrent une multitude de petits véhicules, parfois des vélos mais de plus en plus souvent des 2 roues motorisés, qui livrent chacun une seule commande. La conséquence est une occupation importante de l’espace public avec des livraisons mal optimisées.

D’un point de vue sécuritaire, ces livraisons individuelles et rapides augmentent les risques. Livrer en quelques minutes se traduit souvent par des véhicules qui respectent peu le code de la route, les feux, les distances. Les livreurs prennent des risques afin de pouvoir respecter les promesses clients.

Sur le plan environnemental, ces livraisons se traduisent par une augmentation de la pollution, des émissions de Gaz à Effet de Serre, du bruit. Mais elles se traduisent aussi par une surconsommation d’emballages de toute sorte, de barquettes, sacs, couverts, la plupart du temps en plastique.

D’un point de vue sociétal et social, les dark stores et dark kitchen nuisent à la vie de quartier et sont souvent associés au « commerce de la paresse ». La fragmentation des flux se traduit par des valeurs assez faibles de panier moyen qui ne peuvent pas supporter des prix élevés de livraison. Les modèles économiques de ces plateformes reposent alors sur des rémunérations faibles des livreurs et des modèles sociaux dégradés.

Faut-il interdire les dark stores ?

Nous ne sommes pas dans une époque d’interdiction, mais de régulation. La régulation s’opère d’abord par le marché. Certains acteurs de dark stores ont déjà disparu, faute de modèle économique. D’autres ont décidé d’allonger les durées de livraison afin de pouvoir réaliser des mini-tournées. La solution du modèle économique se trouve donc dans le délai promis.

Les plateformes occupent un espace immobilier mais aussi l’espace public urbain. Il serait donc normal qu’elles participent financièrement à l’occupation des voies de circulation, des trottoirs.

La régulation est aussi sociale. Si certains pays ont fait le choix d’une dérégulation sociale, nous n’aspirons pas en France à ce modèle et devons mieux responsabiliser les plateformes afin que les emplois soient des emplois de professionnels de la livraison, formés, rémunérés en conséquence.

Enfin, le sujet des emballages est essentiel. Nous ne pouvons pas accepter le développement anarchique de modèles de consommation générant autant d’emballages jetables alors que nous défendons des lois limitant ces mêmes emballages. Il y a donc de nouvelles pratiques à trouver comme les emballages réutilisables.

Les darks stores et dark kitchens doivent donc faire évoluer leur modèle afin de le rendre mieux adapté à la ville et aux aspirations de ses habitants.